Avant de devenir l'un des arbitres de soccer les plus réputés de la planète, Howard Webb était policier en Angleterre. «Je travaillais dans la rue avec les lois du pays. Ce n'était pas mon travail d'écrire la loi. Je me contentais de l'appliquer.»

Les propos de l'Anglais, qui a notamment officié dans la victoire de 3-0 du Brésil contre le Chili, lundi, résument bien l'attitude générale des arbitres face à la controverse qui entache la Coupe du monde depuis que des erreurs d'arbitrage flagrantes ont affecté le déroulement des matchs de huitièmes de finale de l'Angleterre et du Mexique.

Sous l'oeil d'une bonne centaine de journalistes, la plupart des 30 arbitres et 60 assistants en fonction pour la Coupe du monde ont participé hier à une séance d'entraînement publique, sur le terrain d'une école secondaire du nord de Pretoria. Ils ont maintenu un discours prudent face à la possibilité que le soccer imite la plupart des sports professionnels et ait finalement recours à la reprise vidéo.

«Peu importe ce qui est décidé, ce n'est pas la responsabilité des arbitres. C'est la décision des autorités. Et on va faire avec», a commenté l'assistant canadien Hector Vergara, qui en est à sa troisième Coupe du monde.

M. Vergara atteindra bientôt l'âge obligatoire de la retraite des arbitres de la FIFA (45 ans) et ne sera donc pas au Mondial de 2014. Mais ses collègues qui travailleront au Brésil dans quatre ans risquent de profiter d'un coup de pouce technologique qui devrait les aider à prendre de meilleures décisions sur le terrain.

Volte-face remarquée

Fortement opposé jusqu'ici à l'emploi des reprises vidéo ou de systèmes électroniques permettant de déterminer si le ballon a traversé ou non la ligne des buts, le président de la FIFA, Sepp Blatter, a en effet fait une volte-face remarquée, hier. «Quand on voit l'évidence des erreurs d'arbitrage, ce serait un non-sens de ne pas considérer la possibilité de changer le règlement, a-t-il dit. Naturellement, nous allons reprendre la discussion sur la technologie. (...) Quelque chose doit changer.»

C'est un changement de discours bienvenu de la part de M. Blatter, qui a présenté des excuses aux responsables des délégations anglaise et mexicaine. L'Angleterre, on le sait, s'est fait refuser un but de Frank Lampard dans sa défaite de 4-1 contre l'Allemagne, dimanche, l'assistant n'ayant pas vu que le ballon avait franchi la ligne après avoir touché la barre horizontale.

Quant au Mexique, il a encaissé un but qui aurait dû être refusé dans sa défaite contre l'Argentine, en raison d'un hors-jeu évident pour tout le monde sauf le juge de ligne.

Selon M. Blatter, le sujet sera inscrit à l'ordre du jour de la réunion de juillet de l'International Football Association Board, l'organisation qui établit les règles du soccer. Le conseil de l'IFAB est constitué de quatre membres de la FIFA et de représentants des quatre nations britanniques: Angleterre, Pays-de-Galles, Écosse et Irlande du Nord. Lors de sa dernière réunion, en mars, l'IFAB avait rejeté, par un vote de 6-2, l'emploi de mesures technologiques pour juger si le ballon a pénétré ou non dans le filet.

La FIFA n'avait guère le choix de bouger. Sa position était devenue intenable. Comme l'a souligné FIFPro, le regroupement des joueurs professionnels de la planète, «la crédibilité du sport était en jeu».

Pendant que des sports aussi variés que le hockey, le football de la NFL, le tennis, le rugby et le cricket évoluaient en employant la reprise vidéo, le soccer s'enlisait dans un conservatisme carrément anachronique. Certes, l'ouverture faite hier ne s'étend pas aux hors-jeux et n'aurait donc pas pu aider le Mexique. Mais au moins, c'est un pas en avant.

L'exception, pas la règle

Le fait que deux bourdes majeures soient survenues à quelques heures d'intervalle peut donner l'impression que l'arbitrage laisse sérieusement à désirer. En fait, selon un responsable de la formation des officiels à la FIFA, il est loin de se détériorer et prend même du mieux.

«Nous devons faire tout ce qui est possible pour réduire le nombre d'erreurs, m'a dit hier le Belge Werner Helsen. Et justement, nous avançons. À la Coupe du monde de 2002, il y avait pas mal d'erreurs dans les hors-jeux: 26,2% d'erreurs. On a refait la même analyse en Allemagne, en 2006, et la proportion de décisions incorrectes avait baissé de 50%. Quand on refera l'exercice cette année, je suis persuadé qu'on va constater que la performance est excellente.»

Une opinion que partage le Canadien Hector Vergara. «Dans ce travail, il y aura toujours des décisions controversées. C'est dans la nature même du football. Montrez-moi un joueur qui ne commet pas d'erreur. Montrez-moi un entraîneur qui ne fait pas d'erreur tactique. Ça fait partie du jeu. Quatre-vingt-dix-sept pour cent de nos décisions ont été correctes. Nous sommes humains et vous voudriez qu'on soit tout le temps à 100%. C'est impossible. Les joueurs ne le sont pas. Les coachs ne le sont pas. Et nous ne le sommes pas non plus. C'est le football.»