Il doit falloir une dizaine d'heures d'avion pour rentrer de Johannesburg à Rome. Ça laisse amplement de temps aux Azzuri pour méditer la morale indémodable de La Fontaine: «Rien ne sert de courir, il faut partir à point.»

Les Italiens ont été comme le lièvre de la fable. Contre des Slovaques appliqués, ils se sont épivardés pendant toute la première demie et même après - jusqu'à l'entrée en scène d'Andrea Pirlo, en fait - dans un match qu'ils devaient pourtant gagner.

Quand ils se sont finalement réveillés, les hommes de l'entraîneur Marcello Lippi ont mis toute la gomme et, dans une fin de match complètement folle, ont failli créer l'égalité, avec moins de six minutes à faire en temps réglementaire.

Mais c'était trop peu trop tard. Les Slovaques leur ont mis un troisième but et même si les Italiens ont rétréci l'écart sur un superbe lob de Fabio Quagliarella dans les arrêts de jeu, le temps leur a manqué.

Résultat: 3-2 pour la Slovaquie, qui s'offre un sacré baptême de la Coupe du monde, pendant que les champions en titre imitent les Français, leurs opposants en finale il y a quatre ans, et quittent la scène dès le premier tour, dans un concert de récriminations qui n'est pas à la veille de s'estomper. Attendez que Berlusconi s'en mêle...

Le scénario inédit, à peu près personne ne l'avait prévu avant le Mondial, malgré toutes les critiques formulées envers la formation italienne, la principale étant la trop grande confiance de Lippi envers les vieillissants vétérans de la campagne de 2006, tels les arrières Fabio Cannavaro (36 ans) et Gianluca Zambrotta (33) et le milieu Gennaro Gattuso (32). Ce dernier, remplacé hier à la pause, n'était pourtant même plus titulaire avec l'AC Milan.

Le groupe F était éminemment prenable. Même pour une équipe carburant à sa gloire passée. Même pour une équipe privée de son gardien au long cours, Gianluigi Buffon, et de l'animateur de son attaque, Pirlo, qui n'est revenu qu'hier d'une blessure au mollet.

Le Paraguay, la Slovaquie et la Nouvelle-Zélande ne sont pas des superpuissances du soccer. Contre ces rivaux supposément inférieurs, l'Italie a pourtant marqué seulement quatre buts, dont un sur une erreur du gardien paraguayen et un autre sur un penalty, contre la Nouvelle-Zélande. Pis encore, la patrie du catenaccio - mon éminent collègue de la page A5 me pardonnera ce cliché - a pris cinq buts en trois parties, quatre ans après en avoir concédé à peine deux en sept matchs.

Marcello Lippi, qui avait repris la tête de la Nazionale après l'échec italien (élimination en quarts de finale) à l'Euro 2008, ne s'est pas défilé. «Je prends toutes les responsabilités pour ce qui s'est passé», a dit le vétéran sélectionneur, qui était à la barre de l'équipe championne en 2006. «Si l'équipe n'a pas réussi un match aussi important, si l'équipe n'est pas capable d'exprimer ses possibilités, c'est que l'entraîneur n'a pas fait ce qu'il fallait, tactiquement, physiquement, ni psychologiquement. J'ai échoué.»

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Les partisans de l'Italie vont sûrement se plaindre et ils auront des arguments valables à plaider. Le hors-jeu qui a coûté un but à Fabio Quagliarella à la 84e minute était foutrement serré. Si le juge de lignes avait laissé courir, le pointage aurait été 2-2. Avec la pression que les Italiens mettaient alors sur la défense slovaque, l'avantage aurait sûrement été aux hommes en bleu.

Mais il y a une justice immanente dans le sport. Les Italiens, qui ont profité d'un penalty controversé pour faire jeu égal avec les étonnants Néo-Zélandais dans leur match précédent, en ont fait l'expérience hier. What goes around comes around, comme disent les Kiwis.

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Les Italiens ont aussi goûté à un plat qu'ils ont l'habitude de servir à leurs adversaires. Les simulacres de blessures que se sont inventés les Slovaques pour ralentir l'action et freiner l'irrépressible retour de l'Italie étaient franchement gênants. S'il y a une chose qui décourage l'amateur de sport nord-américain de se laisser séduire par le soccer, c'est bien ce cynisme parfaitement assumé.

Chapeau bas à Zdenko Strba, resté sur le terrain même s'il a subi une profonde coupure près du genou, avant la mi-temps. Mais si j'étais un proche du gardien Jan Mucha ou du milieu Miroslav Stoch, je serais gêné. Les grimaces et les spasmes de «douleur» qu'ils nous ont offerts après leurs «blessures» n'auraient pas déparé un des films de série B que l'Italie avait l'habitude de produire.

Jaroslav Halak ne se serait jamais permis pareille bassesse.