Face à l'image désastreuse laissée par les psychodrames des Bleus au Mondial, Nicolas Sarkozy s'est emparé du dossier de la reconstruction du football français, recevant jeudi le joueur vedette Thierry Henry, une intervention inédite du pouvoir dans le monde sportif.

Fan de foot, le président français a suivi de près la débâcle sportive de l'équipe de France, marquée par une fronde historique des joueurs contre leur encadrement après l'exclusion du groupe de l'attaquant de Chelsea Nicolas Anelka qui a insulté son sélectionneur Raymond Domenech.

Et en pleine journée de grève et de manifestation contre sa réforme des retraites, il n'a pas hésité envoyer un véhicule et son escorte de motards pour venir chercher Thierry Henry à l'aéroport jeudi midi.

Le parcours du monospace sombre vers le palais présidentiel a été couvert en direct par les chaînes d'information en continu, preuve de l'engouement médiatique pour ce fiasco sportif suivi d'une vague planétaire de sarcasmes.

Rien n'a filtré sur cet entretien demandé, selon l'Elysée, par Thierry Henry, qui a achevé en Afrique du Sud sa longue et prolifique carrière sous le maillot des Bleus (123 sélections, 51 buts) sur le banc des remplaçants et qui s'est bien gardé de s'exprimer sur la crise des Bleus.

Mais pour le quotidien sportif l'Equipe, «le président a choisi de se montrer avec le seul interlocuteur dont l'image n'a pas encore été trop abîmée par le scandale» sud-africain.

Mercredi, Nicolas Sarkozy avait déjà réclamé des états généraux sur la gouvernance du football en octobre et demandé «à ce que les responsables tirent rapidement les conséquences de ce désastre».

Plus directement, jeudi, la ministre de la Santé et des Sports Roselyne Bachelot a jugé «inéluctable» le départ du président de la fédération française Jean-Pierre Escalettes.

Cette intervention du pouvoir politique au plus haut niveau dans les affaires d'une fédération sportive est exceptionnelle. Même si la classe politique française a, comme ailleurs, toujours tenté de tirer profit de la popularité du football, notamment après la victoire au Mondial 98.

«Que le président s'en occupe, ce n'est pas une situation normale, mais nous ne sommes pas dans une situation normale. Et le foot, c'est aussi l'image d'un pays. Redresser cette image est le devoir d'un chef de l'Etat», a justifié le député du parti majoritaire UMP, Thierry Mariani.

Depuis le début de crise, les hommes politiques tirent à boulets rouges sur l'équipe de France et ses responsables. Devant l'Assemblée nationale, Roselyne Bachelot a parlé mercredi «d'une équipe de France où des caïds immatures commandent à des gamins apeurés». Des députés de droite ont même demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire.

Une surenchère dénoncée par le syndicat des footballeurs professionnels pour qui «les bornes ont largement été dépassées» dans la «démesure populiste».

Des responsables de l'opposition et des syndicats ont également accusé le président de vouloir faire diversion en pleine journée d'action sur les retraites et alors que plusieurs ministres sont fragilisés par des polémiques sur leur train de vie et leur intégrité.

«Il y a plusieurs millions de personnes dans la rue (...) et lui passe son temps à écouter les états d'âmes d'un footballeur qui gagne 15 millions par an», a dénoncé François Chérèque, leader du syndicat CFDT.

«C'est un pied de nez à tous les Français dans la rue», a renchéri la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry.

«Ce n'est tout de même pas à lui de faire le ménage dans la Fédération française de football», s'est agacé l'eurodéputé écologiste Daniel Cohn-Bendit pour qui le chef de l'Etat «n'a qu'à s'occuper des contrôles antidopage sur le Tour de France pendant qu'il y est».