En langue sepedi, Polokwane signifie «lieu sûr». Il aurait fallu avertir l'équipe de France, car la ville du Limpopo a plutôt été pour elle le lieu de tous les dangers. Et l'endroit où s'est pratiquement confirmée son élimination de la Coupe du monde 2010.

La défaite de 2-0 aux mains du Mexique signifie que la France ne contrôle plus son destin. Le Mexique et l'Uruguay n'ont qu'à faire match nul, mardi prochain, pour assurer leur qualification respective dans le groupe A. Et consacrer du même coup l'élimination de la France et de l'Afrique du Sud.

Le sélectionneur français, Raymond Domenech, avait l'air assommé lorsqu'il a rencontré les médias, pendant que les Olé! Olé Olé! bien sentis qui retentissaient en arrière-plan se chargeaient de tourner le fer dans une plaie encore vive.

Interrogé à savoir si la défaite était méritée, il a commencé par affirmer - et il avait probablement raison - que Javier Hernandez était hors jeu (par un poil) sur le premier but du Mexique, marqué par El Chicharito (le Petit pois) à la 64e minute. «Mais pour le reste, mérité ou non, le mérite va à ceux qui marquent, a-t-il ajouté. C'est comme ça.»

Oui, c'est comme ça. Devant une foule conquise à sa cause et dont les chants ont enterré plusieurs fois le bruit des vuvuzelas, le Mexique méritait infiniment plus la victoire que les Bleus, constamment mis en déséquilibre par les habiles attaquants mexicains et, pour un troisième match de suite (en incluant une défaite de 1-0 en match préparatoire contre la Chine), incapables de trouver le fond du filet adverse.

Les Français n'ont pas été aidés par la performance terne de Nicolas Anelka, remplacé par André-Pierre Gignac à la mi-temps après qu'il eut tout fait sauf jouer son rôle d'avant-centre. Mais la faute n'est pas individuelle. Ou plutôt si, elle l'est, dans le sens où les Bleus ressemblaient davantage à une collection de onze individus qu'à une équipe bien soudée.

«C'est l'échec de l'équipe de France»

Est-ce l'échec de votre politique, s'est fait demander Domenech. «C'est l'échec de l'équipe de France. Oui, bien sûr, c'est comme ça», a-t-il répondu. Et c'est un deuxième échec de suite, après la débandade de l'Euro 2008. La France avait fini dernière de son groupe, marquant un but et en accordant six. «On n'est pas loin du scénario de l'Euro, a convenu Domenech. Mais il nous reste un match.»

L'entraîneur n'avait pas encore rencontré ses joueurs au moment de la conférence de presse. Devant les médias, il les a exhortés à faire preuve d'«orgueil» et leur a demandé d'essayer de tirer profit de «l'infime chance» qu'il leur reste d'arracher leur qualification pour la ronde des 16.

Pour y arriver, il faudrait d'abord que le match Mexique-Uruguay fasse un vainqueur. Ça reste à voir. Pourquoi prendre le moindre risque, quand un bon vieux 0-0 peut faire l'affaire?

Si le Mexique ou l'Uruguay gagne, l'un finirait le premier tour avec sept points, l'autre, avec quatre. Une victoire française contre l'Afrique du Sud lui donnerait également quatre points. Le bris d'égalité se ferait alors au différentiel des buts. Et en ce moment, l'Uruguay est à "3, le Mexique à "2 et la France à -2. Bref, la France a une sacrée côte à remonter et ses chances sont plus d'ordre théorique qu'autre chose.

Domenech a plaidé hier qu'il fallait attendre la fin du premier tour pour dresser le bilan de cette campagne qui ne va nulle part. C'est un luxe que ne lui accordera sûrement pas la presse française, au moment où la sélection nationale court le risque de revivre la honte de 2002: être blanchie à ses trois matchs.

Le scénario n'a rien de farfelu. Les Sud-Africains (qui ont toujours eux aussi une chance théorique de se qualifier) auront à coeur de battre les Français pour terminer leur Coupe du monde sur une note positive, tandis que l'équipe française risque de ne plus avoir envie de travailler très fort. Surtout pour un entraîneur dont on sait déjà qu'il sera remplacé par l'ancien coach de Bordeaux, Laurent Blanc, au terme de ce Mondial.

C'est d'ailleurs la grande erreur de la Fédération française de football. Elle aurait dû couper les ponts avec Domenech après l'échec de l'Euro. En demandant à un entraîneur si contesté de mener son équipe aux plus grands honneurs alors que ses joueurs savent déjà qu'il s'apprête à quitter le navire, on a courtisé le désastre. Et par une nuit froide à Polokwane, le désastre s'est produit.