Il y a des palmiers à côté du stade d'Ellis Park, dans le centre de Johannesburg. De la pure provocation. On gelait tellement, hier soir, qu'on se serait cru au Carnaval de Québec - et pas juste à cause de ces fameuses trompettes qui vous énervent tant.

Pas un temps à mettre un Brésilien dehors. Surtout pas contre des Nord-Coréens particulièrement coriaces, qui semblaient déterminés à faire un pied de nez à une grande puissance du soccer, comme ils l'avaient fait en éliminant les Italiens (1-0) à leur seule autre participation à la Coupe du monde, en 1966.

Les Italiens d'antan s'étaient fait lancer des tomates à leur retour au pays. Le Brésil, lui, n'a pas à rougir de sa divertissante victoire de 2-1, même si le pointage est autrement plus serré que ce que laissait présager un duel entre le quintuple champion mondial et le pays le plus mal classé (105e au classement de la FIFA) des 32 engagés de cette Coupe du monde.

En fait, la relative timidité de l'attaque auriverde n'est aucunement attribuable à l'allergie - bien imaginaire - des Brésiliens pour le froid. Les hommes de l'entraîneur Dunga semblent aussi à l'aise sous le vent glacial du haut plateau sud-africain que dans la moiteur de leur pays natal.

Pour ne donner qu'un exemple, Robinho, dans un système qui lui convient, a été électrisant, lui qui était à la peine quand il jouait dans la grisaille de Manchester.

Non, ce manque de réussite offensive incombe plutôt à la muraille que les Coréens ont dressée, grâce entre autres au travail des cinq défenseurs - oui, cinq! - qui se déplaçaient en parfaite synchronisation, comme des soldats dans un défilé militaire à Pyongyang, et qui fermaient presque systématiquement l'accès à la surface de réparation.

Le Brésil a eu plusieurs chances très tôt dans le match, Elano et Robinho ratant coup sur coup la cible à courte distance dans la septième minute.

Par la suite, les Brésiliens ont contrôlé à leur guise le ballon, dont ils ont eu la possession 64% du temps en première demie. Mais leurs efforts vers le but du gardien Ri Myong Guk se sont pour l'essentiel limités à de longues frappes depuis la périphérie. Résultat: c'était toujours 0-0 à la mi-temps, au grand plaisir des quelques dizaines de partisans de la Corée du Nord, noyés dans une mer de 54 331 spectateurs.

Dunga le pragmatique

La presse brésilienne est souvent très dure envers Dunga. Elle déplore notamment sa propension à utiliser deux milieux récupérateurs, Felipe Melo et Gilberto Silva - une tactique jugée aux antipodes du «beau jeu» brésilien - et son refus de recourir à Ronaldinho, qui a retrouvé la forme cet hiver à Milan, après trois années de galère.

Nul doute que des éditoriaux assassins s'écrivaient pendant que la Seleçao récupérait au vestiaire.

Mais Dunga a la tête aussi dure que son jeu l'était à l'époque où il était milieu défensif (et capitaine) du Brésil, quand le pays de Pelé et de Garrincha a remporté sa quatrième Coupe du monde, en 1994. Il n'a qu'à rappeler la fiche récente du Brésil: premier qualifié d'Amérique du Sud pour le Mondial, champion de la Copa America en 2007 et vainqueur de la Coupe des Confédérations l'an dernier.

Encore hier, la crème a fini par remonter en deuxième demie. Les Coréens ont paru fatigués et le Brésil a capitalisé sur un débordement à droite de Maicon à la 55e minute. Privé d'angle, l'arrière latéral a battu le gardien du côté du poteau rapproché avec un tir parfait - je vous laisse décider s'il s'agissait plutôt d'un centre raté.

Dix-sept minutes plus tard, Elano a complété la marque brésilienne, une passe millimétrée de Robinho perçant la défense nord-coréenne pour trouver le milieu de Manchester City en pleine course sur la droite. Elano n'a eu qu'à faire glisser le ballon à côté du gardien Ri.

La Chollima - le surnom vient d'un mythique cheval ailé - a alimenté le suspense quand le milieu de terrain Ji Yun Nam s'est défait en deux habiles touches de son couvreur Lucio pour ensuite tromper le gardien Julio Cesar, à la 89e minute.

C'était trop peu trop tard. Mais la Corée du Nord a assurément donné matière à réflexion à la Côte d'Ivoire et au Portugal, les deux autres membres du fameux «groupe de la mort». Un groupe qui mérite encore plus son nom aujourd'hui, après la performance inspirée, contre le Brésil par-dessus le marché, de sa seule équipe vraiment négligée.