L'Angleterre, qui a accumulé les déceptions depuis son unique titre en 1966, a confié au sélectionneur italien Fabio Capello la mission de lui rendre la Coupe du monde dans un sport qu'elle considère comme sa propriété.

Quand il est arrivé en poste en décembre 2007, l'Italien a trouvé une sélection traumatisée par son absence de l'Euro-2008, prix d'une humiliation à Wembley contre la Croatie (2-3), et d'une gestion catastrophique par son prédécesseur Steve McClaren, «Steve McClown» pour ses compatriotes.

Avec les mêmes joueurs, Capello a refait de l'Angleterre une équipe qui compte: récompense de sa rigueur, de son sens de l'organisation et du dialogue. Jamais ses joueurs ne se sont aussi bien exprimés que sous sa direction: Wayne Rooney est plus efficace que jamais, le débat de savoir si Frank Lampard et Steve Gerrard peuvent jouer ensemble est clos.

«Wembley. 10 heures»

Respecté plus que craint, il est le seul patron de l'équipe, quand McClaren avait abandonné le pouvoir à ses troupes, impose des règles de ponctualité, de diététique et de comportement. Et il est capable d'autorité, voire de brutalité.

Quand son capitaine John Terry est pris en grippe par l'Angleterre après la révélation d'une liaison extra-conjugale avec la compagne d'un équipier, il le convoque. Le défenseur lui demande s'il doit aller le voir chez lui ou s'ils se rencontreront au restaurant.

«Wembley. 10 heures», rétorque par SMS Capello, avant de déchoir son joueur du capitanat après une réunion de moins de dix minutes. L'Italien reconnaîtra ne pas avoir ressenti l'indignation empreinte de puritanisme de l'Angleterre mais il aura démontré sa compréhension du pays et sa capacité à étouffer l'incendie qui menaçait de déstabiliser son équipe.

C'est le 10 septembre 2008 que l'Angleterre a décidé de croire en Capello. C'est aussi ce jour-là que Capello a commencé de croire en l'Angleterre. En début de qualifications, les Anglais vont prendre une revanche retentissante chez les Croates (4-1), devenant la première nation à s'imposer au stade Maksimir de Zagreb.

«Démon de 1966»

«J'essaie de prendre de la distance avec ce truc de +On n'a rien gagné depuis 44 ans+. A mon arrivée, on avait ce démon croate, coupable de l'élimination à l'Euro-2008. On s'en est débarrassé», raconte l'Italien. «Maintenant, j'espère que la même chose va advenir du démon de 1966. J'aime l'idée du +Ghostbusters+», le chasseur de fantômes.

Désormais, il ne cache plus son ambition, expliquant que tout autre résultat qu'une finale serait «un échec». «Mon équipe peut rivaliser avec n'importe qui», assure-t-il.

Malgré quelques incertitudes (forme de Rooney et de Rio Ferdinand, blessure de Gareth Barry, pas de grand gardien), Capello n'envisage pas une redite du fiasco de 2006 quand les Anglais, gonflés à bloc à leur arrivée en Allemagne, avaient failli: l'Italien a accepté de supprimer une clause de son contrat qui l'autorisait à quitter son poste après le Mondial.

A ceux qui oseraient lui rappeler que l'Angleterre est, par essence, une équipe qui ne gagne pas, il répond par un autre exemple de «serial losers»: «Gagner l'Euro-2008 a donné à l'Espagne la confiance en ses qualités qui lui permet d'être au sommet.»

Le sommet. Un endroit dont l'Angleterre ne s'est plus approché depuis 1966. Et dont elle considère les occupants successifs comme des usurpateurs. Elle compte sur un Italien pour l'y ramener.