En adoptant mardi le principe du contrôle de gestion, l'UEFA a sonné la fin de la victoire à crédit: si un club ne présente pas un bilan équilibré sur trois ans, s'il est endetté, il pourrait être exclu de la Ligue des champions.

C'est une révolution. Si de tels critères avaient existé dans le passé, des clubs endettés comme Manchester United, l'Inter Milan, Chelsea ou Liverpool n'auraient pu participer à la Ligue des champions. Tous les regards se tournent aujourd'hui vers le Real Madrid, couvert de créances pour recruter ses néo-Galactiques, achetés 250 millions d'euros cet été, dont 94 millions pour le seul Cristiano Ronaldo.

Michel Platini avait fait de ce «fair-play financier» - un club ne peut dépenser plus d'argent qu'il n'en génère - une de ses promesses de campagne avant d'être élu en janvier 2007 à la présidence de l'UEFA.

Mais l'ancien meneur de jeu des Bleus ne veut pas entrer dans l'Histoire comme celui qui aura sanctionné les grands d'Europe. «Le but n'est pas de tuer les clubs mais les aider à se réguler dans un marché normal», a-t-il insisté mardi à Nyon, siège de l'UEFA, où le comité exécutif, organe décisionnaire, venait d'adopter à l'unanimité ce contrôle de gestion.

M. Dehaene, le «procureur»

Le bras armé de cette régulation sera un panel de neuf experts financiers indépendants (de nationalités différentes, sans liens avec des clubs, des fédérations ou des ligues). À sa tête, il y aura Jean-Luc Dehaene, ancien premier ministre belge, qui aura un rôle semblable à celui d'un «procureur», mot utilisé fin août par M. Platini.

Ce panel pourra saisir la commission de discipline de l'UEFA, pour d'éventuelles sanctions, qui peuvent donc aller jusqu'à l'exclusion de la lucrative Ligue des champions.

S'ouvre désormais une «phase de transition», selon les mots de Gianni Infantino (futur secrétaire général de l'UEFA à partir du 1er octobre 2009 en remplacement de David Taylor nommé à la tête d'une nouvelle cellule marketing). Le but est d'appliquer les critères du fair-play financier à partir de la saison 2012-13, avec d'éventuelles sanctions à partir de la saison 2013-14.

«Plus de 50 % des clubs ont des pertes chaque année, il faut reprendre en main tout ça, car tôt ou tard, la bulle va exploser», a lancé M. Infantino.

La règle sera de présenter un bilan équilibré sur trois ans. Ce qui autorise des dettes ponctuelles si les recettes couvrent les dépenses sur la période de trois ans. «Nous tolérerons des dettes, dans certaines limites, si elles concernent des investissements dans les infrastructures ou dans le développement du football des jeunes», a aussi annoncé M. Platini.

Limitation des effectifs

Une des mesures d'assainissement préconisées est la limitation des effectifs. «Nous travaillerons avec les clubs et le syndicat des joueurs, qui nous soutient car il préfère des clubs avec un petit nombre de joueurs payés plutôt que des clubs avec beaucoup de joueurs pas payés. On travaille sur un nombre limite de contrats pros», a précisé M. Platini.

Jusqu'ici, les plus farouches opposants étaient les clubs anglais, qui se sentaient visés. «On sait que Liverpool travaille pour rembourser ses dettes, ce n'est pas bien d'avoir des dettes, mais c'est toléré en Angleterre», a en effet répété M. Platini mardi.

Mais le président de l'UEFA a reçu une jolie passe décisive de la Premier League (première division anglaise), longtemps réfractaire à toute mesure coercitive, qui a décidé de soumettre ses clubs à un contrôle de gestion. La crise est passée par là.

«Cette décision va dans le sens de l'UEFA, a commenté M. Platini. Je remercie M. Scudamore (directeur général de la Premier League) pour ce 'fair-play financier' à l'anglaise».