Depuis une grande frustration vécue en 2012, Alex Harvey n'a jamais complété le Tour de ski. Depuis deux ans, il se retire avant le début de l'étape ultime, jugée au bout d'une montée de 3,7 km sur une pente de ski alpin. Ça pourrait changer cette année grâce à un pari intrigant.

Deuxième au classement cumulatif après une brillante prestation dimanche en Allemagne, le fondeur québécois espère atteindre les demi-finales du sprint libre de Val Müstair, troisième étape présentée en Suisse, aujourd'hui.

Après une reconnaissance du parcours, sinueux et ponctué de deux côtes, Harvey affichait son optimisme: le sprint est relativement long et pourrait donc lui sourire.

«Je suis en train de regarder la course d'il y a deux ans, et la finale durait quand même trois minutes vingt secondes», relevait-il au téléphone depuis l'hôtel italien où loge l'équipe canadienne, à une vingtaine de minutes du lieu de compétition. «Si c'est encore dans ces eaux-là [mardi], ça pourrait être pas pire pour moi.»

En 2012, lors du dernier passage du Tour dans le patelin de Dario Cologna, Harvey s'était justement rendu en demi-finale, terminant 12e. Il occupait la même position au classement général au moment où il a abandonné, quelques jours plus tard, avant le départ de la dernière étape à l'Alpe Cermis. Au lendemain d'un podium dans un 15 km classique, la décision était surprenante.

Mais le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges se souvenait trop bien de sa dégringolade de l'année précédente, alors qu'il avait bloqué dans la montée finale et perdu plusieurs rangs. Bien qu'attribuable à un problème artériel qui le touche toujours, cette contre-performance avait pesé sur son moral.

Changement de stratégie

Depuis, le clan Harvey a pris la décision de faire l'impasse sur cet exercice particulier. Au point de laisser filer une prometteuse quatrième place l'an dernier. Les Jeux olympiques de Sotchi pointaient à l'horizon et il n'était pas question de risquer de nuire à la confiance.

Harvey tient le même discours à propos du Tour 2015, qui se déroule selon une formule semblable à une course par étapes en cyclisme. En attendant une opération qui pourrait le soulager au printemps, il se concentrerait sur chaque étape et ferait une croix sur le classement général final, où le quadruple des points Coupe du monde est attribué.

Les plans n'ont pas changé, mais Harvey jongle quand même avec l'idée de prendre le départ du 9 km style libre de dimanche... sur des skis de classique. «Ça va dépendre des conditions», a prévenu l'athlète de 26 ans, qui accuse un retard de 5,6 secondes sur le leader, le Norvégien Petter Northug.

Le but serait de ne pas perdre trop de temps dans la section plane de 5 km qui mène à l'Alpe Cermis. Si la neige est bien granuleuse et les conditions, suffisamment rapides, c'est jouable, pense-t-on dans l'entourage du double médaillé mondial. «Je pourrais faire du pas de patin avec des skis de classique [sur le plat] et monter en ligne droite avec une cire d'adhérence», a précisé Harvey.

Un peu réticent à commenter ce plan inédit, qui devait apparemment rester secret, l'entraîneur Louis Bouchard songe à employer des skis de classique depuis l'abandon de 2012. «Ça reste à voir, mais on pense que dans la montée, ça peut même aller plus vite [qu'avec des skis de patin]», a suggéré celui qui n'accompagne pas son poulain au Tour.

Tout cela relève de l'hypothèse et Harvey a bien précisé qu'il n'allait «probablement pas» prendre le départ dimanche dans le Val di Fiemme. Mais le double médaillé en championnats du monde, qui surfe sur le meilleur début de saison de sa carrière, rechigne à l'idée de laisser les autres se partager les honneurs.

«Il y a quand même beaucoup de points à aller chercher, a soulevé le huitième au classement de la Coupe du monde. Et c'est toujours plate de terminer un tour avec un abandon quand ce n'est pas à cause de la maladie ou de la fatigue.» Ira-t-il jusqu'au bout?