Alex Harvey et Devon Kershaw avaient vécu cette déception aux Jeux olympiques de Vancouver. Cette fois, la médaille était beaucoup plus proche. À peine une longueur de botte. Ils sont quand même repartis les mains vides, en ruminant leur déception, comme les milliers de partisans norvégiens, qui venaient d'assister à l'improbable déroute des leurs.

Les Canadiens ont terminé quatrièmes, le pire rang à des Championnats du monde. «On était venus pour le podium», a lâché Harvey avec dépit, incapable de se pardonner cette occasion gâchée en finale du sprint par équipe des Mondiaux de Val di Fiemme, où le duo canadien défendait son titre sous les flocons, dimanche midi.

Ça s'est passé en une fraction de seconde, juste avant le sommet de la dernière montée. Le Kazakh Poltoranin menait le train devant, suivi du Suédois Joensson et du Russe Kriukov, l'épouvantail de cette finale après son titre à l'individuel jeudi.

Remontant par l'extérieur, Harvey s'était donné une légère priorité sur le Russe. Il a jeté un regard sur sa gauche avant de décider de laisser passer Kriukov pour s'installer dans ses traces. Ce moment d'hésitation a suffi pour qu'il perde son élan.

Le trou - cinq mètres peut-être - était créé et le Québécois n'a pas été en mesure de le refermer après un effort désespéré dans la dernière ligne droite. Après que Kriukov a facilement coiffé Joensson à la ligne d'arrivée, Harvey a lancé son ski gauche sur la ligne. Peine perdue. Il n'a pas eu à attendre le dévoilement de la photo d'arrivée pour comprendre qu'il avait échappé la médaille de bronze à Poltoranin. Par trois centièmes.

«J'aurais dû couper Kriukov en haut de la deuxième montée», regrettait Harvey, auteur du meilleur temps de la journée sur cette dernière boucle de 1,5 km (3:29.63).

«Je ne suis pas assez agressif. Je ne suis pas un sprinter!», a tranché le médaillé de bronze... du sprint individuel.

Vrai qu'en règle générale, un sprinter n'a pas l'habitude de demander la permission pour prendre sa place en tête de course. «Je voulais y aller, mais je ne voulais pas qu'on se plante les deux non plus. En pas de patin, on est tellement large», a rappelé le fondeur du mont Sainte-Anne.

Mis au fait des explications de son protégé, l'entraîneur Louis Bouchard partageait cette analyse. «Il manque un peu d'agressivité, a-t-il jugé. Il lui en a aussi manqué un peu [au skiathlon de samedi, 13e]. C'est un skieur smooth, qui skie relax. Il est assez bon pour conserver de l'énergie jusqu'à la fin. L'envers de la médaille, parfois, c'est qu'au moment opportun, si on est smooth, c'est difficile de devenir agressif rapidement.»

Bouchard avait déjà son idée sur la façon dont Harvey pourrait bousculer ses habitudes en course. «Pour un athlète de ce niveau, qui skie d'une façon depuis des années, c'est difficile de changer ça. Il faut donc utiliser un mot-clé dont on se souvient au moment où ça arrive. C'est ce mot qui vient connecter le physique, qui dit aux jambes qu'il faut y aller.»

Kershaw retrouve sa touche

La bonne nouvelle pour l'équipe canadienne est que Devon Kershaw, dont la participation au relais sprint a été mise en question, a retrouvé ses jambes. Solide en demi-finale comme en finale, l'Albertain a dû surmonter le bris d'un bâton au moment où il a reçu un premier relais de Harvey.

Wadsworth a accouru pour lui en remettre un 100 mètres plus loin, mais Kershaw a dû batailler pendant toute la boucle de 1,5 km pour reprendre les six ou sept places perdues. Il ne croit pas que cet incident a eu un impact sur le résultat final. «Mon corps était là à 100% aujourd'hui, a jugé Kershaw. Ce n'était pas si difficile que ça.»

Le plus dur a été d'encaisser cette autre quatrième place, après celle obtenue dans la même épreuve aux JO de Vancouver, en février 2010. «Vancouver a été plus difficile à vivre, mais on était plus proches ici, a souligné Kershaw. Les deux sont durs mentalement. Mais c'est comme ça. C'est juste du ski de fond.»

Allez dire ça aux membres de l'équipe norvégienne et à leurs milliers de partisans, qui ont littéralement envahi le Val di Fiemme, en Italie, depuis le début de la semaine.

Après l'euphorie de la veille avec cinq médailles sur les six à l'enjeu, ce fut un échec monumental au relais sprint. En matinée, l'équipe masculine, médaillée d'argent derrière le Canada en 2011, s'est d'abord fait sortir en demi-finale. Puis, en finale féminine, Ingvild Flugstad Oestberg s'est enfargée dans ses bâtons sans l'aide de personne et s'est affalée de tout son long sur la piste. La Norvège a fini quatrième. Ça a fait une soirée plus tranquille au centre-ville de Cavalese.