Sa première réaction fut un rire. Le rire d'un étudiant qui vient de réussir un examen final avec un A+... après avoir échoué à toutes les évaluations trimestrielles.

«Le monde ne croyait pas que j'étais en forme... Moi, je savais que j'étais en forme», a lancé Alex Harvey, fier de son coup, peu après la cérémonie des vainqueurs, hier après-midi, à Val di Fiemme.

Blessé au début du mois à Sotchi, invisible à Davos le week-end dernier, Harvey a encore une fois démontré pourquoi il fallait le considérer comme l'homme des grandes occasions.

Dans une épreuve, le sprint classique, où il n'avait jamais atteint une finale de sa vie, il a arraché la médaille de bronze, la toute première pour un fondeur masculin canadien à des Championnats du monde. D'autres questions?

As-tu eu le moindre doute? «Honnêtement, non», a-t-il tranché avant de raconter qu'il avait l'habitude de se faire «planter» à quelques jours des grands rendez-vous. «J'avais confiance en l'entraînement que j'avais fait.»

Harvey a réussi son exploit à sa manière: en profitant de l'usure physique de ses principaux adversaires au fil des trois rondes finales - ça reste un «sprint» de 3 min 30 s, qu'il faut répéter quatre fois en comptant les qualifications - et en déployant un rare sens tactique pour un athlète de 24 ans.

En finale, il a joué de finesse. Optant, comme il en a l'habitude, pour des skis offrant peu d'adhérence, mais beaucoup de glisse, il est sorti des traces dans la dernière montée pour grimper «en canard». Distancé par le trio de tête mené par le Suédois Emil Joensson, il a réussi à rester en contact. Juste assez pour profiter de la «draft» dans la descente.

À l'amorce de la dernière ligne droite, le Québécois a changé de traces pour s'installer derrière le Russe Nikita Kriukov, champion olympique. Comme il l'avait anticipé, au bas de la dernière petite bosse, il a pu donner deux coups de bâton de plus que les autres avant de s'installer en position de recherche de vitesse et de profiter de l'effet élastique.

«C'était intelligent de la part d'Alex, a souligné Justin Wadsworth, entraîneur-chef de l'équipe canadienne. Ces petites décisions, celles que tu prends sur tes skis, peu d'athlètes le font.»

En double poussée, Harvey a cueilli Joensson comme un fruit mûr, avant de franchir la ligne derrière le gagnant Kriukov et Petter Northug Jr., l'ogre norvégien, triple champion et quintuple médaillé aux derniers Mondiaux d'Oslo.

«Je suis sûr qu'il y en a qui commençaient à douter, mais j'étais confiant dans le plan qu'on a fait, a répété Harvey. Ça prouve que si y on croit, il ne faut pas essayer de copier ce que les autres font. Il faut faire ce qu'on croit être le mieux pour nous. Et ça marche.» Rien à ajouter.