Attaché sur une civière, le cou immobilisé dans un collet, Erik Guay s'est demandé si tout n'était pas fini, le mois dernier, dans une ambulance entre les hôpitaux de Sainte-Agathe et de Saint-Jérôme.

Une échographie au premier endroit avait laissé craindre une fracture d'une vertèbre thoracique. Deux heures plus tard, après un passage aux urgences et un examen d'imagerie par résonance magnétique, le skieur a appris avec soulagement qu'un simple dépôt de calcium avait causé cette méprise.

En réalité, Guay a été victime d'une rupture ligamentaire après une grosse chute subie quelques jours plus tôt lors d'un entraînement au Chili. Projeté dans les airs, il est tombé lourdement sur le dos. L'impact a provoqué un coup de fouet cervical.

«J'ai déchiré deux ligaments à la vertèbre T2, mais il n'y a rien qu'on puisse faire pour ça», a expliqué Guay en étirant le col de son polo pour montrer l'endroit précis de la blessure. «Il n'y a pas d'opération possible, pas d'attelle. C'est comme une entorse sévère, si on veut.»

Par mesure de précaution, son stage dans les Andes s'est terminé sur-le-champ. Il en a été quitte pour des courbatures, mais a pu reprendre l'entraînement complet deux semaines après son retour à Mont-Tremblant.

«Même quand je me suis planté, j'étais prêt à revenir à la maison», a souligné Guay, de passage à La Presse hier soir, l'un des derniers arrêts d'une tournée médiatique montréalaise.

«J'étais un peu tanné d'être là-bas. Le ski allait bien et ça devenait redondant. En plus, ma femme était à la veille d'accoucher. J'avais comme la tête ailleurs. C'est d'ailleurs ce que mon coach m'a dit: c'est peut-être la raison pour laquelle je me suis planté. J'étais déjà rendu chez nous.»

Maude, la quatrième fille du couple, est née le 28 septembre. La nuit, elle dort avec maman Karen, qui l'allaite dans une chambre. Erik occupe l'autre côté de la maison, où il « gère » les trois autres filles âgées de 3 à 8 ans.

«Je dors quand même bien, mais je suis debout à six heures et quart pour l'école. Si ma petite se réveille deux fois dans la nuit, je suis un peu courbaturé le lendemain!»

Éloignement

Le plus dur, c'est l'éloignement. Dans quelques semaines, l'athlète de 36 ans s'envolera vers le Colorado pour un dernier stage préparatoire en vue des premières Coupes du monde de vitesse de la saison, à Lake Louise (25 et 26 novembre) et à Beaver Creek (1er et 2 décembre) Il fera ensuite un petit saut à la maison avant Val Gardena. Privilège de vétéran, l'équipe canadienne lui permet un aller-retour à Mont-Tremblant pour Noël avant la Coupe du monde de Bormio.

«Après trois, quatre jours, je dors mieux, je me repose, je rentre dans le rythme de vie de l'athlète. Après une semaine, ça commence à me manquer, j'ai envie d'être chez nous. Deux semaines, c'est un peu le maximum, surtout pour les stages d'été.»

Mais dès janvier, Guay fera ses bagages pour six semaines, peut-être le voyage le plus important de sa vie, qui le mènera en Suisse, en Autriche, en Allemagne et finalement en Corée du Sud, où il doit disputer ses quatrièmes et derniers Jeux olympiques.

Le skieur canadien le plus prolifique de l'histoire rêve d'une montée en puissance (et de victoires) dans les classiques de Wengen, Kitzbühel et Garmisch-Partenkirchen, ce qui le mettrait en orbite pour PyeongChang, où il aura rendez-vous avec son destin. Soit il cimentera sa légende en montant sur le podium, soit on lui rappellera jusqu'à la fin de ses jours qu'il est passé proche, mais qu'il n'a jamais vécu la gloire olympique.

Guay en est bien conscient. «Malheureusement, au Canada en général, on est très concentrés sur les Olympiques. Je ne vois pas ça du tout de la même façon. Je connais la réalité de mon sport. Je sais ce que c'est que de gagner des Coupes du monde à Kitzbühel, des Championnats du monde. Je ne m'attarde pas trop à ça.» 

«C'est sûr [il insiste] que je voudrais gagner des médailles aux Jeux olympiques, mais si ça n'a pas lieu, ce ne sera pas la fin du monde.»

Même que si on lui demande de choisir, il préférerait s'imposer sur la mythique Streif de Kitzbühel plutôt qu'à l'anonyme station olympique de Jeongseon. «Au Canada, tu deviens presque immortel si tu gagnes une médaille d'or olympique. Mais comme skieur, je sais que ça vaut plus cher de gagner Kitzbühel.»

Un peu comme le fondeur Alex Harvey, Guay envisage de prolonger sa carrière jusqu'en 2019, avec en point de mire les Championnats du monde d'Are, en Suède, où il avait terminé quatrième en 2007. Cette saison supplémentaire dépendra de son état de santé, de ses performances et de l'harmonie dans sa vie familiale.

«C'est pas mal certain que je vais arrêter après 2019, à moins que ça aille tellement bien et que je sois vraiment motivé. Encore là, j'ai quand même hâte de passer à autre chose et d'avoir un peu de temps en famille...»

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Erik Guay en bref

Âge: 36 ans

Ville: Mont-Tremblant

Championnats du monde

• Or, descente, 2011

• Or super-G 2017

• Argent, super-G, 2017

Coupe du monde

• Globe de cristal, super-G, 2010

• 25 podiums (5 victoires)

Jeux olympiques

  • 3 participations (Turin 2006, Vancouver 2010, Sotchi 2014)
  • 4e, super-G, Turin 2006
  • 5e, descente et super-G, Vancouver 2010

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Du ski en octobre? Non, merci!

Le Suisse Carlo Janka, la Slovène Ilka Stuhec, la Canadienne Marielle Thompson, la jeune Suissesse Simone Wild hier... Pas une journée ne semble passer ces temps-ci sans qu'un illustre skieur se blesse gravement.

«Une petite affaire de rien, tu tombes sur la carre intérieure, pow, fini, plus d'Olympiques», a commenté Guay en revoyant la vidéo de l'accident de Janka sur les réseaux sociaux.

Le champion mondial de descente a sa théorie sur ce qui ressemble à une épidémie: le ski en octobre. Les conditions sont instables et les athlètes sont parfois fatigués.

«C'est un peu pour ça que je n'ai pas voulu skier au mois d'octobre. Je préfère être à la maison, et quand tu repars au mois de novembre, tu as hâte d'aller faire du ski. Là, ça fait huit semaines que j'en ai pas fait et j'ai le goût de repartir.»

Photo Jeff Swinger, archives USA TODAY Sports

Carlo Janka