Des descendeurs ont franchi la barrière des 160 km/h la semaine dernière à Wengen, en Suisse. De mystérieuses combinaisons ne seraient pas étrangères à l'atteinte de ces vitesses fulgurantes. Norvégiens et Italiens en bénéficieraient, tandis que les Canadiens attendent toujours les leurs. «On est un peu lents sur la switch», constate Erik Guay, à la veille de la descente de Kitzbühel (demain en Autriche), son plus important rendez-vous de l'hiver avant les Mondiaux de Schladming.

La première accusation publique est venue de l'entraîneur-chef de l'équipe de France de vitesse: les skieurs italiens et norvégiens, fumants depuis le début de l'hiver, profitent de combinaisons plus rapides, a affirmé Patrice Morisod, en entrevue au site spécialisé skionline.ch la semaine dernière.

Pour Erik Guay, le constat est évident. «Je n'en ai pas entendu parler, je le vois tous les jours!», a lancé le champion du monde lorsque interrogé à ce sujet après sa brillante quatrième place à la Coupe du monde de Wengen, samedi. «Il n'y a pas juste les Norvégiens et les Italiens qui les ont. Il y a aussi les Autrichiens, les Suisses. En fait, pas mal tout le monde... sauf les Canadiens. On est un peu lents sur la switch.»

Selon le règlement de la Fédération internationale de ski (FIS), les combinaisons et les sous-vêtements de compétition doivent avoir une surface en tissu à l'extérieur comme à l'intérieur. Ces surfaces ne doivent pas être «plastifiées» ni traitées par un produit chimique. Enfin, le matériel doit avoir une perméabilité minimale de 30 litres par mètre cube d'eau à la seconde. L'idée est de réduire la vitesse et d'assurer la sécurité des coureurs.

Guay croit que certains fabricants ont contourné le règlement en insérant une membrane de caoutchouc entre les deux surfaces de tissu. De petites perforations permettraient d'atteindre le standard minimal de perméabilité.

Voilà pourquoi la surface des combinaisons litigieuses ressemble à celle d'une balle de golf. «Ça se voit à l'oeil», affirme Guay, qui a vu apparaître cette innovation technologique dès la première épreuve de la saison, à Lake Louise, en novembre. Il en a discuté avec ses collègues français, qui se sont démenés pour mettre la main sur deux de ces combinaisons avant la compétition de Wengen.

«Nous, on ne l'aura sûrement pas cette année», se désole le champion mondial de la descente, qui doit défendre son titre à Schladming le 9 février. «C'est super frustrant. On n'est vraiment pas au niveau de ce côté-là.»

Frustrations

Au cours des dernières années, Guay a vécu le même genre de frustrations lorsque des pays ont contourné les règlements en utilisant des sous-vêtements contenant du plastique et du néoprène et lorsque des protecteurs pour les tibias et les bras ont été autorisés. «Les Autrichiens prennent avantage de ça tout de suite, souligne le skieur de 31 ans. Nous, ça prend au moins un an. Je ne peux pas l'expliquer. On dépense de l'argent sur autre chose et j'ai des problèmes avec ça.»

Invité à s'expliquer, il a refusé d'en dire davantage de peur de se mettre les pieds dans les plats.

Zone grise

Paul Kristofic, vice-président sports à Canada Alpin, rappelle que le dossier est «complexe et en constante évolution». «C'est une zone grise et certaines équipes ont poussé la limite, sinon l'ont dépassée», a-t-il expliqué en entrevue téléphonique. Il s'attend à ce que la FIS renforce l'application du règlement, se fiant à des déclarations en ce sens entendues cette semaine.

L'été dernier, Canada Alpin a mis en place une équipe de recherche et développement qui s'emploie à trouver le meilleur équipement disponible. «Elle travaille indépendamment et avec les manufacturiers, qui sont très nombreux, a signalé Kristofic. La combinaison est l'une des très nombreuses pièces d'équipement sur lesquelles on travaille. Il n'y a pas de recette magique qui fasse aller tellement plus vite qu'un d'autre. Bien sûr, chaque pièce d'équipement compte. Et on est engagés auprès de nos skieurs à trouver le meilleur matériel.»

Certains pays, comme la Suisse et l'Autriche, disposent de budgets de recherche «colossaux», rappelle Kristofic. D'autres comme la Norvège peuvent réagir très rapidement compte tenu de leurs effectifs restreints.

Il y a aussi la réalité de la recherche scientifique. «Il n'y a pas d'excuses, bien sûr, mais tu ne veux pas changer les choses parce que tu crois qu'un autre fait quelque chose de mieux. On essaie de bouger rapidement, mais aussi dans la bonne direction.»

Ironiquement, la fédération canadienne a annoncé hier après-midi que ses skieurs s'élanceront sur la fameuse Streif de Kitzbühel vêtus d'une combinaison inédite rouge et argenté conçue par Audi, son principal commanditaire.

Le changement est cosmétique, on s'entend. Guay réussira-t-il à la transformer en combinaison gagnante?