Digne héritier de Lasse Kjus et Kjetil Andre Aamodt, le Norvégien Aksel Lund Svindal rêve de reconquérir le grand globe de cristal, qu'il a déjà gagné deux fois. Après une saison 2009-10 en demi-teinte, il occupe actuellement le deuxième rang du classement général. À la veille de la Coupe du monde de Wengen, le triple médaillé olympique sent qu'il retrouve son état de grâce.

Aksel Lund Svindal est de belle humeur depuis son arrivée à Wengen. À l'hôtel, quand il n'a pas le nez collé à son ordinateur, à son téléphone intelligent ou à sa tablette numérique, le skieur norvégien sourit à tout le monde, répond aux questions, signe un autographe à une fillette un peu intimidée par son imposant physique.

Il n'a pas l'air d'un gars qui combattait la fièvre la semaine dernière - une fièvre qui ne l'a pas empêché de remporter le prestigieux slalom géant d'Adelboden, à quelques kilomètres d'ici. Il n'avait pas gagné dans cette discipline depuis Sölden, en 2007, un mois avant un terrible accident à Beaver Creek qui l'avait mis sur la touche pour le reste de l'hiver.

Svindal y voit le signe qu'il approche de la forme de ses beaux jours, soit les quelques semaines précédant sa chute au Colorado. Ce qui n'est pas peu dire pour un skieur qui, dans l'intervalle, a enlevé un grand globe de cristal du classement général (2009) et trois médailles aux derniers Jeux olympiques de Vancouver...

«En 2007, j'avais gagné à Sölden, gagné à Lake Louise, puis j'étais tombé à Beaver Creek. Sur le plan du ski, je n'avais jamais atteint un tel niveau de forme. Mais j'ai l'impression que, finalement, j'y suis presque, expliquait-t-il en entrevue mercredi soir. Hé, je ne me plains pas! Les choses ont été difficiles après la chute. Mais à l'époque, j'étais vite en tout: descente, super-G, géant. Il me reste quelques détails à fignoler en vitesse, mais ça s'en vient.»

»Ils étaient exceptionnels»

Svindal, 28 ans, est le digne héritier de Kjetil Andre Aamodt et Lasse Kjus, les deux plus grands skieurs norvégiens. De 1991 à 2006, ces deux athlètes polyvalents ont gagné 13 médailles olympiques, 23 médailles aux Mondiaux et 39 épreuves de Coupe de Monde.

«Ils étaient mes idoles quand j'étais plus jeune, dit Svindal. Je ne les connaissais pas, mais je trouvais simplement qu'ils étaient exceptionnels. Et quand je suis arrivé dans l'équipe, ils étaient encore là. J'avais des posters d'eux sur mes murs et, soudainement, j'étais leur coéquipier. C'était pas mal cool.»

Inspiré, le jeune Svindal n'a pas tardé à les imiter. Il a signé un premier podium à Kitzbühel, en 2003, et une première victoire à Lake Louise, deux ans plus tard. Son palmarès en Coupe du monde est impressionnant: deux grands globes de cristal (2007 et 2009), 32 podiums, dont 14 victoires. À l'image de Kjus et Aamodt, il n'a pas son pareil lors des grands événements, comme en font foi ses cinq médailles en trois championnats mondiaux et ses trois médailles olympiques (or, argent, bronze) lors de ces «deux semaines magiques à Whistler».

Deux semaines sans bouger

Svindal jette un oeil à écran d'ordinateur et accepte de revenir sur son accident de Beaver Creek. À la suite d'une chute lors d'un entraînement de descente, il s'était pratiquement empalé sur un de ses skis. Les organes internes avaient bien failli être touchés. À l'hôpital, le médecin semblait préoccupé, dressant une longue liste de blessures potentielles, en ordre décroissant de gravité. Couché sur une civière, bottes de ski aux pieds, Svindal ne comprenait pas trop. Mais tout en bas de la liste, il a vu «cinq fractures au visage».

«C'est comme ça que j'ai compris que le reste était probablement grave... Ils ont dû m'ouvrir l'estomac et pratiquement retirer mes intestins pour les examiner.»

Branché sur un soluté, Svindal a passé deux semaines sans bouger sur un lit d'hôpital. La convalescence a pris plusieurs mois. Exactement un an plus tard, il est revenu gagner la descente et le super-G de Beaver Creek. «Je dirais que les docteurs sont pas mal bons... Je suis impressionné!»

Une grande star à Oslo

Le ski alpin n'a pas le statut du ski de fond au royaume de Norvège, mais il demeure néanmoins un sport important. «Parmi les sports d'hiver, le ski alpin se compare au saut à ski et au biathlon», a évalué Svindal.

Il est devenu une grande star à Oslo, un statut dont il préférerait parfois se passer. «J'aime toujours retourner en Norvège, où je revois ma famille et mes amis. Mais je souhaiterais parfois pouvoir relaxer un peu plus. Les Norvégiens sont quand même polis. Je suis reconnu sans être harassé. Mais si les gens sont saouls, c'est une autre histoire!»

En Coupe du monde, il se déplace avec une équipe réduite, comptant trois ou quatre entraîneurs. Depuis 2007, les Norvégiens unissent leurs forces à celles des Canadiens, partageant temps d'entraînement, soucis logistiques et conseils en course. D'ailleurs, à Wengen, les coachs des deux pays se déploient stratégiquement afin de couvrir l'entièreté de la très longue Lauberhorn.

Préférant les parcours plus tournants, Svindal cherche encore la clé à Wengen, où il n'a jamais fait mieux que huitième. Actuellement deuxième au classement général de la Coupe du monde, derrière le technicien croate Ivica Kostelic, il rêve bien sûr de reconquérir le grand globe de cristal.

«Mais je ne suis pas seul, prévient-il. Les autres skieurs se sont améliorés depuis mon retour... Ça arrive de trouver l'état de forme où on sent qu'on peut gagner course après course. Plus souvent pour les grands comme Hermann Maier. Quelques fois dans une carrière pour la plupart des autres.»

À prendre pendant que ça passe. Svindal finit son thé glacé, remet sa casquette et part vers un autre rendez-vous.