Deux ans après une chute dramatique à Kitzbühel, qui lui a valu un mois dans le coma, le Suisse Daniel Albrecht est de retour en Coupe du monde. Tout est à redécouvrir, raconte-t-il à La Presse.

Il y avait un skieur plus souriant que les autres dans l'aire d'arrivée hier après-midi à Wengen. Daniel Albrecht a beau avoir fini à plus cinq secondes de son compatriote Didier Cuche, il savourait le moment. La poignée de spectateurs venus jeter un oeil à cette deuxième descente d'entraînement a applaudi.

Albrecht a dû descendre la Lauberhorn une bonne trentaine de fois. Pourtant, tout lui semble nouveau depuis le début de la semaine à la Coupe du monde de Wengen, chez lui, en Suisse. Comme s'il redécouvrait chaque virage de la piste de 4,4 kilomètres, de loin la plus longue sur le circuit.

«C'est comme si c'était la première fois», a dit le skieur de 27 ans en entrevue.

Le natif de Fiesch, une commune située à trois heures de route de Wengen, revient de loin. Très loin.

Le 22 janvier 2009, Albrecht a fait une chute épouvantable à la toute fin d'une descente d'entraînement à Kitzbühel. Sur le saut final, il a basculé vers l'arrière, s'écrasant lourdement sur la piste avant de glisser comme un pantin désarticulé. Oedème pulmonaire, os brisés et une importante hémorragie cérébrale.

À l'hôpital d'Innsbruck, où il a été héliporté, les médecins ont dû le plonger dans un coma artificiel pour lui sauver la vie. Il s'est réveillé 20 jours plus tard, sa mémoire sérieusement atteinte. Il a dû réapprendre à parler, à effectuer de simples gestes de la vie quotidienne.

Moins de deux ans plus tard, Albrecht est de retour en Coupe du monde. Cet ancien champion mondial du combiné, grand espoir du ski helvète, n'a pas complètement retrouvé le niveau, mais il ne fait pas de la figuration. À son premier départ, le mois dernier à Beaver Creek, il s'est classé 21e du slalom géant, sa spécialité. Ses collègues et les spectateurs l'ont ovationné. Il a remis ça la semaine dernière, finissant encore dans les points près de chez lui à Adelboden.

Ça va plus vite qu'il l'espérait. «L'accident a été si grave, les blessures tellement extrêmes, rappelle Albrecht. Normalement, je ne devrais pouvoir rien faire. Pendant un an, on s'est demandé si je serais en mesure de revenir. Maintenant, je skie, je suis rapide, j'ai fini deux fois dans le top 30. Ça ne pourrait être mieux. Je dois en être heureux.»

De la prudence

La marche est plus haute en descente. Albrecht a effectué un premier entraînement chronométré à Lake Louise en novembre. À Wengen, il y va doucement, usant de prudence. «Les sensations normales reviennent, constate-t-il. Mais il y a deux ans, je me demandais si je pouvais rester une seconde de plus en position de recherche de vitesse ou tenir une ligne droite un centimètre de plus. Maintenant, ce n'est plus un centimètre, c'est un ou deux mètres. Ça prendra un peu de temps avant que je me sente totalement en sécurité.»

Sa mémoire a retrouvé presque toutes ses capacités. Mais un vide reste. Albrecht s'excuse de son anglais plus que convenable et cherche une façon de l'expliquer. Il trouve: comme si sa vie avant l'accident était un film dont il serait le simple spectateur.

«J'ai eu une vie et puis il y a eu le crash, ajoute-t-il. Je sais ce que j'ai fait avant, que j'ai été champion du monde, mais je ne me souviens plus du feeling. Il y a une brisure. Il n'y a plus de sentiments. Sur les pistes, je dois tout réapprendre, tout refaire. Je ne peux plus me servir des sensations que j'avais avant parce qu'elles ont disparu.»

Tendu comme une recrue

Ça se voyait à l'entraînemen, hier. À l'approche des sections plus techniques, Albrecht paraissait tendu comme une recrue. Il n'a pas encore décidé s'il prendra le départ de la descente, samedi. Cela dépendra des conditions de la piste, de la température et de la visibilité. Aussi il ne veut pas perdre son statut de coureur «protégé» pour cause de blessures, ce qui lui permet de bénéficier d'un numéro de dossard pas trop défavorable. «J'irai au feeling», prévoit-il.

Puis, la semaine prochaine, ce sera le retour à Kitzbühel. Il a déjà décidé qu'il ne s'alignerait pas pour la descente. Il se contentera de l'inspection matinale. Au mieux, si la Streif n'est pas trop glacée, il fera un entraînement. «Mais j'irai très, très mollo...»

Photo: Reuters

En janvier 2009, Daniel Albrecht a été victime d'une violente chute qui lui avait valu trois semaines de coma artificiel.