Depuis son retour dans son condo de Montréal, Mikaël Kingsbury a à peine eu le temps de faire quelques brassées de lavage.

«C'est la folie, toute cette attention médiatique. Je surfe sur une vague, je suis invité à plein d'événements. J'aime ça, mais j'ai hâte de m'asseoir, de me reposer, de célébrer avec ma famille», a-t-il confié en entrevue, chez lui, dans le quartier Griffintown.

La semaine dernière, le nouveau champion olympique a fait un petit saut à Montréal pour l'enregistrement de l'émission Tout le monde en parle. Dès le lendemain, il prenait l'avion pour Jasper, où se déroulaient les Championnats canadiens de bosses. Malgré la fatigue, il tenait à y être. «C'est la seule occasion pour les jeunes de pouvoir skier avec nous, je l'ai fait pour eux. Je savais qu'ils m'attendaient.»

De retour chez lui tôt lundi, il multiplie depuis les apparitions. Il était au centre Bell lundi soir, il fera un lancer protocolaire au match des Blue Jays à Toronto le week-end prochain. «Après, je vais prendre des vacances», a dit celui qu'on salue maintenant dans la rue.

À PyeongChang, Kingsbury, 25 ans, a décroché l'or, mettant ainsi la main sur le seul titre qui manquait à son imposante collection. Au terme de la présente saison, le skieur vient également de remporter son septième globe de cristal à titre de champion de bosses en Coupe du monde et son septième gros globe en ski acrobatique (au classement général). Il a un record de 49 victoires en Coupe du monde. Il est aussi deux fois champion du monde.



La pression des conditions parfaites

Surnommé le roi des bosses, Kingsbury était sans surprise le grand favori de l'épreuve olympique. Toutes les conditions étaient réunies pour qu'il gagne. «Je n'étais pas malade, j'étais en bonne forme physiquement, j'étais le leader et j'étais prêt. Tout était trop là, trop parfait, je n'avais pas le choix de gagner. Dans quatre ans, je ne sais pas si je serai aussi fort. Dans ma tête, c'était donc maintenant ou jamais», a-t-il confié.

Pour cette raison et par crainte de décevoir tous ceux qui ont cru en lui, il a commencé à douter. Le jour de la finale des bosses, il a été nerveux comme jamais avant, et ce, dès son réveil. «Ça m'a surpris d'être aussi stressé, ça m'a déstabilisé. Je sentais mon coeur battre dans mes oreilles. J'essayais de me calmer en écoutant de la musique, en marchant, rien ne fonctionnait.» Il a parlé à son préparateur mental, qui a fait baisser la tension d'un cran. Mais le trac était toujours là. «J'avais juste hâte de mettre mes vêtements de ski, d'être sur la montagne.»

Sur la piste, lors des descentes d'entraînement, ses jambes étaient un peu raides. «Les gens me voyaient comme favori, mais ce n'est pas facile. Je savais qu'il ferait froid, qu'il venterait et que la neige se disperserait. Ça pouvait être à mon avantage, mais c'étaient aussi des pièges pour moi.»

Dans les rondes finales, il a commis des petites erreurs ici et là. «Le plan n'était pas de remporter chaque ronde, mais d'accéder à la ronde suivante en recueillant le plus d'informations. Avant la grande finale, quand je suis remonté seul dans la chaise, ça a été le déclic: je savais exactement quoi faire. À partir de ce moment, j'ai eu du plaisir et j'ai fait la meilleure descente de la journée.»

Une amitié en or

«Cette victoire olympique, j'en rêvais depuis que je suis enfant. Je suis encore sur un nuage», a-t-il dit. Mais il se souviendra davantage de tous les petits moments qui ont entouré cette réussite, comme lorsqu'il a vu ses parents parmi les spectateurs. «C'était vraiment émouvant.»

Il parle aussi avec émotion de ses grands amis et coéquipiers Philippe Marquis et Marc-Antoine Gagnon. À PyeongChang, Marquis a réussi à se qualifier pour les rondes finales, malgré une déchirure ligamentaire au genou droit. Après une quatrième place à Sotchi en 2014, Gagnon a une fois de plus terminé au pied du podium en Corée, extrêmement déçu.

Quand Kingsbury a fait sa dernière descente pour l'or, Gagnon était toujours au troisième rang provisoire. «Marc m'a regardé droit dans les yeux, on a eu un contact visuel incroyable. Quand j'ai eu mon score, il restait encore un concurrent en piste. Marc m'a dit: "Mik, tu as gagné, il ne va pas te battre!" La pression est tombée. J'ai vu Phil tout de suite après, et il m'a fait une grosse accolade, il avait les larmes aux yeux devant l'intensité du moment.»

«Après ma médaille, j'ai dû faire une série d'entrevues et je suis rentré à ma chambre à 4h du matin. À ma surprise, les gars m'attendaient quand même avec une bouteille de champagne, ils ne sont pas allés se coucher. Malgré leur déception, ils étaient contents pour moi», a-t-il raconté, ému.

«On me demande sans arrêt si je suis fier de ma médaille. Oui, c'est une preuve que j'ai gagné, mais je suis surtout content d'avoir vécu tous ces moments, ils resteront gravés dans ma mémoire.»

Il se souviendra aussi de la cérémonie d'ouverture. «Quand je marchais, j'avais des frissons. C'est comme si je sortais de mes objectifs de performance et que je réalisais l'ampleur de l'événement. Ça m'a fait sourire. Il y avait une telle énergie, un sentiment de fierté.»

Juste avant, il a revu les athlètes avec qui il s'était entraîné tout l'été sous la direction de Scott Livingston: Maxime Lapierre, Kevin Poulin, Scott Moir et Tessa Virtue. «On se croise rarement durant la saison. Là, on portait tous le même uniforme. On s'est réuni une deuxième fois à la fin, on avait tous gagné des médailles. C'était un beau moment.»

Un tournant

Kingsbury entreprendra la prochaine saison sans ses acolytes à ses côtés. Simon Pouliot-Cavanagh devrait aussi annoncer sa retraite. «Ça ne sera jamais plus pareil, je connais ces gars depuis mes débuts. On s'est poussés les uns les autres. Ça va faire bizarre au début, mais je vais développer de nouvelles amitiés. C'est un nouveau challenge, je serai le vétéran.»

Il se dit prêt à voir son environnement changer. «Pour rester motivé et compétitif, je vais changer certaines façons de faire, je vais opter pour un entraînement plus personnalisé et sortir de ma zone de confort», a-t-il précisé. Il prévoit exécuter un nouveau saut pour lequel il s'entraînera à Whistler l'été prochain. «Je peux encore m'améliorer. Certains athlètes, comme le Japonais Ikuma Horishima et le Kazakh Dmitriy Reikherd, vont me pousser à me dépasser.»

Kingsbury n'a rien perdu de sa passion pour son sport. «Je veux rester au sommet de mon art. Si j'y arrive encore 4 ans, ça fera 11 ans. J'ai l'impression que je peux y arriver. J'ai 25 ans, mais j'ai l'impression d'avoir un corps de 18 ans. Je ne suis pas usé, je n'ai jamais été blessé. Gagner une deuxième médaille d'or aux Jeux de Pékin en 2022, ça serait vraiment cool!»

Photo Martin Chamberland, La Presse

Mikaël Kingsbury a décroché l'or aux Jeux olympiques de PyeongChang, le seul titre qui manquait à son imposante collection.