Avec encore trois médailles samedi à Val Saint-Côme, les skieurs canadiens ont poursuivi leur domination en Coupe du monde des bosses. Et s'il faut croire le président de Ski acrobatique Canada, Bruce Robinson, nos champions ont intérêt à poursuivre leurs succès!

Près de 4,5 millions du budget de l'organisme proviennent des programmes du gouvernement fédéral, principalement «À nous le podium» (3,78 millions en 2014-2015), et ces subventions sont directement proportionnelles aux résultats des athlètes.

«Nous avons une tradition de succès en ski acrobatique, a rappelé M. Robinson, vendredi, à Val Saint-Côme. Au Québec, on ne compte plus les champions en bosses et en sauts. Nous avons aussi la chance d'avoir plusieurs athlètes de pointe dans les nouvelles disciplines, en slopestyle et en demi-lune. Nous sommes donc bien servis par le gouvernement canadien, qui contribue pour près de 75% de notre budget total d'un peu plus de 6 millions.»

David Mirota, directeur haute performance à Ski acrobatique Canada, consacre une grande partie de son temps à s'assurer que les succès soient également au rendez-vous lors des prochains Jeux olympiques. «Avec À nous le podium, l'argent est lié aux médailles, explique-t-il. Au contraire d'autres fédérations, nous avons prouvé que nous pouvions en gagner, tout en développant les athlètes qui en gagneront lors des prochains Jeux!

«On sait déjà que nous serons compétitifs à Pyeongchang en 2018 avec notre génération actuelle de skieurs, assure M. Mirota. Il faut maintenant s'assurer que nous le serons ensuite en 2022, en 2026, avec des programmes de développement et de détection du talent. C'est là que l'argent des commanditaires devient essentiel.»

Historiquement et jusqu'aux Jeux de Vancouver, en 2010, Ski acrobatique Canada a été relativement choyé par les commanditaires. «L'ancienne direction, dont je faisais partie, avait signé plusieurs ententes importantes, avec Postes Canada et Bell notamment, rappelle Bruce Robinson. Malheureusement, toutes ces ententes prenaient fin pratiquement en même temps...

«Nos revenus de commandites sont ainsi passés, pratiquement du jour au lendemain, de plus de 2 millions à moins de 100 000 $! Et le paysage économique avait beaucoup changé après les Jeux de 2010, avec une baisse générale des sommes consacrées aux commandites.

«Un autre problème, c'est que les commanditaires ne sont plus impressionnés par toutes nos médailles; ils les tiennent un peu pour acquis. Le défi, aujourd'hui, c'est d'être créatif dans ce que nous pouvons leur offrir.»

Cette «créativité» a mené M. Robinson et plusieurs de ses athlètes à l'émission Dragon's Den, au réseau CBC, où une excellente présentation de Maxime Dufour-Lapointe et d'autres skieurs a convaincu l'homme d'affaires Michael Wekerle d'investir 2 millions sur quatre ans dans le ski acrobatique canadien. La société de M. Wekerle, Difference Capital, était d'ailleurs le commanditaire principal de la Coupe du monde de Val Saint-Côme.

M. Robinson doute toutefois qu'une manne de plusieurs millions tombe bientôt sur son association. «Nous avons un excellent "produit", des champions exceptionnels qui sont d'excellents modèles pour nos jeunes, mais il ne faut pas se faire d'illusions. L'époque où les grandes sociétés distribuaient des millions simplement pour apposer leur logo sur les uniformes des athlètes est révolue. Il faut leur offrir davantage.»

Un intérêt limité

Pour un commanditaire, c'est difficile de trouver de meilleures ambassadrices que les soeurs Dufour-Lapointe. L'histoire de la famille est sans précédent dans l'histoire du sport, et les photos de Justine et Chloé se tenant par la main sur le podium de Sotchi ont fait le tour du monde. Pourtant, un an après les Jeux et malgré l'appui de quelques commanditaires locaux, elles sont loin de rouler sur l'or.

«C'est sans doute encore plus difficile pour les filles, estime Bruce Robinson. C'est vrai que les Dufour-Lapointe ont toutes les qualités que devraient rechercher les commanditaires: elles sont parmi les meilleures de leur discipline, elles sont belles, elles véhiculent des valeurs familiales qui rejoignent tout le monde. Et ça ne suffit pas...»

L'Américaine Hannah Kearney, qui a remporté samedi la 43e victoire de sa carrière en Coupe du monde et qui possède l'un des plus beaux palmarès de l'histoire du ski acrobatique, prendra sa retraite au terme de la saison avec la simple ambition de terminer ses études. Après plus de 15 ans de carrière au plus haut niveau, elle possède une formidable collection de médailles, mais n'a pratiquement pas un sou en banque! Et elle n'a réussi à terminer que l'équivalent d'une année d'études universitaires, «à temps perdu».

«Je vais m'inscrire dans une université à Salt Lake City, partenaire de l'Association américaine de ski acrobatique, où tous les frais sont payés, a raconté l'athlète de 28 ans en entrevue. Tout au long de ma carrière, j'ai été subventionnée, j'ai eu droit à des entraîneurs, des physiothérapeutes, des traitements.

«Je n'ai pas à me plaindre ou à demander encore autre chose. Mais la perspective de me retrouver dans une salle de classe à 28 ans, sans trop savoir ce qui m'attend, est plus effrayante que toutes les pentes que j'ai descendues!

«J'espère simplement y trouver un nouveau domaine qui me passionnera autant que le ski acrobatique, a poursuivi Kearney. Et j'espère que tous les jeunes skieurs du circuit pensent déjà un peu à leur avenir...»

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Une fin de saison passionnante

Si la victoire de Mikaël Kingsbury a pratiquement assuré son quatrième globe de cristal, samedi à Val Saint-Côme, celle de l'Américaine Hannah Kearney a relancé la course au titre dans la Coupe du monde de bosses en ski acrobatique.

Avec encore trois épreuves à disputer, Kingsbury, qui vient de remporter cinq épreuves d'affilée, se retrouve avec 529 points, une priorité de 248 points sur le Russe Andrei Smyshlyaev (281 points). Philippe Marquis est troisième (265), Simon Pouliot-Cavanagh, sixième (207) et Marc-Antoine Gagnon, septième (205). Une troisième place lors de la prochaine épreuve, à Tanawako au Japon, le 28 février, suffirait à Kingsbury pour assurer son titre.

Chez les femmes, Kearney (426 points) devance maintenant Justine Dufour-Lapointe (403) et trois autres Canadiennes: Chloé Dufour-Lapointe (332), Audrey Robichaud (235), Andi Naude (233) et Maxime Dufour-Lapointe (217). Justine, qui s'est contentée d'une décevante 14e place à Val Saint-Côme, a promis de lutter jusqu'au bout pour obtenir son premier globe de cristal.

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Un succès pour Val Saint-Côme

La présentation de la Coupe du monde de ski acrobatique a encore été couronnée de succès à Val Saint-Côme. Bien servis par les installations du Centre d'excellence acrobatique de la station, les organisateurs ont pu proposer une piste de premier plan, et la compétition s'est déroulée sans anicroche.

Tant les délégués de la Fédération internationale de ski (FIS) que les dirigeants de Ski acrobatique Canada ont manifesté leur satisfaction, et Val Saint-Côme a de bonnes chances d'être de nouveau le site d'une manche de la Coupe du monde à l'avenir.

Bruce Robinson, président de Ski acrobatique Canada, n'a toutefois pas voulu s'engager définitivement pour la saison prochaine. «Il y aura une compétition au Québec, a-t-il assuré. Nous devons toutefois examiner tous les scénarios et nous assurer que le site retenu réponde aux exigences de tous les intervenants.»

En plus de Val Saint-Côme, les stations de la région de Québec seraient considérées.