À moins de quatre semaines de la compétition de bosses des Jeux olympiques de Sotchi, le tenant du titre, Alexandre Bilodeau, continue de mettre de la pression sur celui qui menace de le détrôner, son compatriote Mikaël Kingsbury.

En s'imposant mercredi à la Coupe du monde de Lake Placid, Bilodeau a signé une deuxième victoire consécutive après trois deuxièmes places derrière Kingsbury. Dernier à s'exécuter en super finale, celui-ci a connu une rare défaillance, perdant la maîtrise en milieu de parcours, ce qui l'a obligé à simplifier son saut du bas, un périlleux arrière tendu que le champion mondial a qualifié de «saut de sauvetage».

Déçu et frustré, Kingsbury a enlevé ses skis d'un geste rageur. Avant même de recevoir les notes, il est allé féliciter Bilodeau et les Américains Patrick Deneen et Bradley Wilson, respectivement deuxième et troisième.

Relégué au sixième rang, le skieur de Deux-Montagnes a filé dare-dare vers le bas de la montagne. Mondiaux et Coupes du monde confondus, c'était la première fois qu'il ne montait pas sur le podium d'une épreuve de simple, une séquence ahurissante de 22 départs amorcée en janvier 2011.

Trois centièmes de point séparaient les deux Québécois à l'issue d'une finale de haute volée enlevée par Kingsbury. Bilodeau n'a pas réussi la super finale espérée - un léger déséquilibre dans les bosses l'a fait plonger vers l'avant pendant une fraction de seconde -, mais il a sauvé la mise grâce aux sauts les mieux notés de la compétition.

«Ça n'a pas été ma meilleure descente de la journée, je dois l'avouer, a dit le nouveau meneur au classement. Ces petites erreurs dans le milieu auraient pu me coûter plus cher. Mes coefficients de difficulté (dans les sauts) ont compensé, je pense. Je suis content, mais je ne peux pas me fier là-dessus. Je sais que Mikaël ne fera pas des erreurs comme ça trop souvent...»

Véritable métronome sur deux planches, Kingsbury s'en voulait d'en avoir échappé une, la faute à une légère désynchronisation à l'approche d'une bosse. À cette vitesse, ça ne pardonne pas. Il s'encourageait à l'idée que cet accident de parcours n'avait pas de conséquences dramatiques.

«Au moins, ça arrive là, ça n'arrive pas aux Jeux», a-t-il noté quand on l'a retrouvé au fond du chalet principal. L'athlète de 21 ans avait digéré sa déception et pris soin de féliciter une deuxième fois son collègue Bilodeau.

La tension, à tout le moins compétitive, qui existe entre eux depuis au moins deux ou trois ans finit-elle par être usante? «Moi, je fais ma job, je ne regarde pas ce que fait Alex, a répondu Kingsbury. Oui, on est souvent premier, deuxième. Mais je me concentre sur mes affaires à moi. Je sais que si je réussis mes affaires, je suis capable d'obtenir de bons résultats.»

Michel Hamelin, qui retirait ses bottes de ski une table plus loin, offrait une analyse différente. L'entraîneur de Bilodeau ne cache pas que son poulain n'a qu'une idée en tête: gagner l'or à Sotchi. Pour ce faire, il devra nécessairement battre Kingsbury, qui est loin devant les autres. Sans lui souhaiter de malheur, tout le contraire, Hamelin a compris l'an dernier que la seule façon d'y parvenir était de lui «mettre de la pression». «Tout le temps», a insisté le coach. «Le but est de le sortir de sa zone pour le pousser.»

Ça commence dans les qualifications, quand Bilodeau exécute l'un de ses gros sauts sans que ce soit nécessaire pour passer à la ronde suivante. «Si Mik est en arrière, il se sent comme obligé de faire un autre step, relève Hamelin. Là, ça lui met de la pression. Là, on lui fait faire des erreurs.»

Michel Hamelin juge que la stratégie a porté ses fruits sur les pentes de Whiteface. «Aujourd'hui (mercredi), (Mikaël) n'a pas été capable de composer avec la pression. C'est la première fois que je le vois vraiment. On a toujours des plans dans la tête. Ça marche 5, 10% du temps. Là, ça a marché.»

Les deux bosseurs ont rendez-vous dimanche à Val Saint-Côme. Pour la dernière fois avant Sotchi...