Le cri perçant a traversé l'aire d'arrivée, s'élevant au-dessus des milliers de spectateurs. Maxime Dufour-Lapointe l'a reconnu. C'était celui de ses soeurs cadettes, Chloé et Justine. Elle non plus n'a pu se retenir.

«C'est sorti tout seul: j'ai crié comme une malade. On aurait dit que j'avais gagné la course», a raconté Maxime Dufour-Lapointe hier midi, encore habitée par ce «rush d'adrénaline» quatre jours plus tard.

La skieuse de 24 ans n'a pas gagné, mais elle a terminé troisième à l'épreuve de bosses de Deer Valley, samedi soir. Son premier podium en 61 départs de Coupe du monde. Chloé y est parvenue à 17 ans, à son 18e départ; Justine à 16 ans... à son deuxième essai.

«Mes soeurs sont arrivées. On s'est donné des gros câlins. On capotait toutes. Chloé a appelé mes parents. C'était juste un grands moment d'euphorie», a poursuivi la Montréalaise après son dernier entraînement en vue de la Coupe du monde de Lake Placid, prévue aujourd'hui, à la station Whiteface, dans l'État de New York.

En Utah, pour la première fois de sa carrière, Maxime était l'unique représentante des Dufour-Lapointe dans une super finale, réservée aux six meilleures de la journée. Une occasion particulière, que l'aînée a choisi de vivre à fond: «C'était vraiment un moment où je me suis dit: eille, ça m'appartient.»

Elle ne l'a pas volé, rappelant ces séances estivales de mini-trampoline avec son préparateur physique Paul Gagné. Quand les jambes brûlaient, elle pensait au parcours «Champion» de Deer Valley, le plus long et le plus exigeant du circuit, théâtre des Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002.

Parlant de Jeux olympiques, la troisième place de Maxime Dufour-Lapointe lui confère une position privilégiée dans la course à la qualification pour Sotchi. Elle rejoindrait ses soeurs Justine, préqualifiée en vertu de sa médaille de bronze aux derniers Mondiaux, et Chloé, cinquième à Vancouver et dont la place est elle aussi pratiquement assurée.

Situation singulière, Justine, Chloé et Maxime occupent respectivement les deuxième, troisième et quatrième rangs du classement de la Coupe du monde. Seule l'Américaine Hannah Kearney les devance.

Deux places, trois athlètes

Il reste un maximum de deux places disponibles pour Sotchi, que se disputent Maxime Dufour-Lapointe, la Britanno-Colombienne Andi Naude et la Québécoise Audrey Robichaud.

Cette dernière soigne une blessure à un genou subie lors d'une chute à Calgary il y a 10 jours. Elle sera donc absente aujourd'hui à Lake Placid, avant-dernière épreuve de qualification. Elle pourrait prendre le départ dimanche à Val Saint-Côme, dernière compétition avant les JO. Normalement, Robichaud se prévaudra d'une clause de blessure lui permettant d'utiliser un résultat de plus de la saison dernière (trois au lieu de deux).

Pour sa part, Maxime Dufour-Lapointe tient son sort entre ses mains. Avant son podium, elle a fini deux fois cinquième. Elle sent qu'elle touche au but, mais ne veut pas s'enflammer, souhaitant surtout poursuivre sur sa lancée. «Je vois ça comme un piège, de s'arrêter à penser (aux Jeux olympiques), explique-t-elle. Parce que la minute où tu penses avoir la médaille dans la poche, tu as déjà perdu.»

Au fil des années, les succès précoces de ses soeurs ont entraîné d'inévitables comparaisons. Maxime ne s'en est jamais formalisée. «Mon cheminement a été plus long que celui de mes soeurs, mais il est aussi mérité, si on veut», dit celle qui s'est inscrite en médecine. «J'ai travaillé fort.»

Ce qui ne veut pas dire que le doute ne l'a jamais tenaillée depuis ses débuts en Coupe du monde, en 2008. «Il y a eu des moments où je me questionnais, mais c'était toujours par rapport à moi-même, précise-t-elle. Je me considère un peu comme une late bloomer. Mais une fois que j'ai compris quelque chose, je ne reviens plus en arrière.»

Son entraîneur Marc-André Moreau le confirme. «Elle y a cru et elle savait ce qu'elle devait faire. C'est une battante, ce n'est pas compliqué.»

Après un été où elle a mis les bouchées doubles sur les plans physique, technique et psychologique, Maxime Dufour-Lapointe était persuadée de pouvoir monter sur son premier podium. «Dans le fond, au début de la saison, je me sentais comme une Formule 1... mais je n'étais pas encore capable de changer de vitesse assez vite pour faire 0 à 100 en deux secondes.» À l'évidence, elle a trouvé la pédale d'embrayage.