«Juste une autre montagne»: c'est le titre du billet de blogue le plus récent de la skieuse Kaya Turski. Elle y raconte une mésaventure vécue il y a trois semaines en Oregon.

Lors de la réception d'un saut à l'entraînement, elle s'est déchiré le ligament croisé antérieur gauche. À six mois jour pour jour de la date de son épreuve aux Jeux olympiques de Sotchi, le slopestyle, où elle était annoncée comme la favorite.

Ce type de blessure commande aussi une convalescence de six mois. Turski le sait, elle est passée par là à deux reprises. Comment, dans les circonstances, expliquer l'optimisme de son blogue? Y croit-elle vraiment ou est-ce une façon de se conditionner à l'idée qu'il s'agit «juste» d'une autre montagne qui se dresse devant elle?

«Je ne suis pas une menteuse!» lance en riant la Montréalaise de 25 ans, jointe au téléphone hier après-midi. Huit jours après l'intervention, elle a presque complètement laissé tomber les béquilles. «Tout va bien jusqu'ici et j'ai confiance.»

Turski s'est blessée en pratiquant une nouvelle manoeuvre qu'elle comptait intégrer à son répertoire pour Sotchi. Elle s'est perdue dans les airs en exécutant un 720 switch (envol à reculons), où les rotations étaient faites de son côté non naturel. «C'est un truc que je pratique depuis l'an dernier, que j'ai réussi à plusieurs reprises, mais qui m'est encore étranger», explique-t-elle.

À l'atterrissage, ses jambes n'étaient pas prêtes à absorber l'impact. Elle a senti sur le coup que son ligament croisé avait cédé, impression confirmée le lendemain par un examen. «Les trois ou quatre premiers jours, ç'a été un choc, admet la championne mondiale de la discipline. Je n'avais pas complètement absorbé ce qui était arrivé. C'était assez choquant et nébuleux.»

Après consultation de plusieurs experts médicaux, trois options s'offraient à elle: éviter l'opération et se contenter d'une attelle, réparer le ligament par une greffe d'un tendon du jarret ou provenant d'un cadavre, ou remplacer le ligament par un implant synthétique.

Cette technique alternative a l'avantage de réduire la période de rééducation à trois mois, car le genou n'a pas à s'adapter à la présence d'un corps étranger. En revanche, la pose d'un ligament synthétique nécessite une révision dans les 2 à 10 ans.

«La dernière montagne majeure»

Pour Turski, le choix était clair. «J'étais à l'aise d'avoir à composer avec une révision dans quelques années, expose-t-elle. J'ai maintenant 25 ans, j'ai accompli ce que je voulais dans mon sport. J'ai gagné les X Games à de multiples reprises, j'ai été la première à réaliser un switch 1080 et plusieurs autres trucs, j'ai progressé et repoussé les limites de ma discipline. Les Jeux olympiques, c'est en quelque sorte la dernière montagne majeure que je veux gravir. Dans quatre ans et demi, je ne sais pas si je serai encore dans la position de favorite pour une médaille.»

Des discussions avec d'autres athlètes ayant emprunté cette voie (des skieurs, une surfeuse, une skateboardeuse) ont achevé de la convaincre. L'opération a été pratiquée à London, en Ontario, par le chirurgien Robert Litchfield, bien connu des skieurs alpins. Finalement, il a couplé le ligament synthétique à un ligament de cadavre, ce qui pourrait éviter une seconde opération à l'athlète.

Pour sa rééducation, Turski prévoit partager son temps entre Montréal et Vancouver. Elle espère rechausser les skis en novembre ou en décembre. En attendant, elle visualise ses trucs, une forme d'entraînement essentielle à laquelle elle était déjà rompue. Pour ce qui est de Sotchi, elle ne voit pas pourquoi elle ne devrait plus être considérée comme faisant partie des principales prétendantes au titre. «Je n'ai pas vraiment de doute que je serai aux Jeux olympiques, affirme-t-elle d'un ton résolu. C'est mon but et je ne crois pas qu'une pause de ski de quatre mois à ce moment-ci va beaucoup me retarder. Maintenant, c'est presque comme si je suis plus concentrée que jamais. Je suis prête!»