La skieuse acrobatique Audrey Robichaud a très mal réagi en apprenant le départ soudain de son entraîneur Jim Schiman, la semaine dernière. Elle a exprimé sa colère sur sa messagerie Twitter, parlant de trahison, de mensonges, de lâcheté. Elle a aussi dirigé quelques gros mots vers le pays qui cristallise son courroux: la Russie.

Schiman, avec lequel Robichaud travaillait étroitement depuis quatre ans, est en effet le deuxième entraîneur de bosses canadien débauché par l'équipe nationale russe en moins de six mois. Stephen Fearing, un grand ami de Schiman, occupait le poste d'entraîneur-chef de l'équipe féminine canadienne quand il a claqué la porte sans prévenir juste avant Noël.

Les deux travailleront désormais ensemble pour redonner du lustre à une équipe russe en mal de résultats depuis quelques années. «Je suis vraiment fâchée et ça ne fait pas mon affaire, mais si la Russie offre plus d'argent que le Canada, c'est normal d'aller là où les conditions de travail sont probablement mieux», a réagi Robichaud, jointe au téléphone hier.

Après des résultats en deçà des attentes aux derniers Jeux olympiques de Vancouver, les Russes mettent le paquet pour redresser la barre en vue des prochains Jeux d'hiver de 2014, qui auront lieu chez eux à Sotchi.

Les succès des athlètes canadiens à Vancouver ne leur ont pas échappé. La semaine dernière, des médias russes annonçaient la signature d'un contrat de 5 millions avec la firme canadienne Allinger Consulting, dirigée par Cathy Priestner-Allinger et son mari Todd Allinger. Ces derniers sont les principaux architectes du programme À nous le podium, qui a largement contribué à la récolte record de 26 podiums à Vancouver.

Priestner, une ancienne olympienne en patinage de vitesse, et Allinger auront le même mandat avec les Russes: maximiser le potentiel de médailles en ciblant l'allocation des ressources. Ils se seraient engagés à ce que la Russie décroche 14 médailles d'or à Sotchi. À Vancouver, la Russie avait été limitée à un total de 15 médailles, ce qui lui avait valu la 11e place.

«Pour Vancouver, l'argent sortait de partout pour nous», a rappelé Robichaud, troisième au classement de la Coupe du monde l'hiver dernier. «C'est la même chose pour les Russes: ils veulent mettre le paquet. C'est normal. C'est juste plate que ce soit nous qui payions le prix cette fois-ci.»

Un vent de fraîcheur

Le départ de Schiman fait mal sur le plan «émotif», concède Peter Judge, chef de la direction de l'Association canadienne de ski acrobatique. Des skieuses comme Robichaud et l'ancienne championne mondiale Kristi Richards avaient développé de forts liens avec leur coach. Il croit néanmoins que le remplaçant, le Québécois Marc-André Moreau, insufflera un vent de fraîcheur à l'équipe.

«On n'a pas encore travaillé ensemble, on a juste échangé, mais il sait où il s'en va et il a l'équipe à coeur», a dit Robichaud au sujet de Moreau, un ancien coéquipier qui a fini quatrième aux Jeux de Turin en 2006.

De façon plus générale, l'offensive russe est une source de «grande préoccupation» pour Peter Judge.

«Historiquement, la Russie a obtenu des résultats en deçà des attentes aux Jeux d'hiver, a-t-il souligné. Ils ont de grandes ressources en ce qui concerne le nombre de gens. Leur système sportif est très, très fort. Il n'a simplement pas été adéquatement dirigé vers la performance, en particulier pour les sports d'hiver.»

Après les JO de Vancouver, le premier ministre Vladimir Poutine avait exprimé son mécontentement, rappelant que Sotchi 2014 représentait un véritable «projet national» auquel il accorderait une «attention maximale».

«Avec la dissolution du bloc de l'Est à la fin des années 80, on a assisté à l'écroulement de tout le système sportif russe, a rappelé Judge. Je crois que cela marquera vraiment le début d'une nouvelle ère pour eux dans le sport, une ère qui les sortira de la bureaucratie et qui les replongera dans le sport. Parce que Cathy ne tolérera pas une telle façon de fonctionner...»