Elles avaient des pansements aux mains, des genoux abîmés, la tête bandée. Elles étaient épuisées. Mais elles venaient de gagner la première médaille olympique de l'histoire du rugby féminin. Les Canadiennes, qui ont remporté le bronze hier à Rio, auront été des guerrières jusqu'au bout.

Quand la capitaine est sortie du terrain, le sourire collé au visage, elle sautillait de joie. « Je me sens comme un superhéros, a lancé Jennifer Kish. Maintenant, je comprends comment les Canadiennes de l'équipe de soccer se sont senties à Londres en gagnant le bronze. »

Car les médailles de bronze ne sont pas toutes égales. Certaines ressemblent à des défaites, d'autres, à des victoires. Celle-ci, gagnée au compte de 33-10 contre la Grande-Bretagne, avait plutôt des airs de fête.

C'est que le tournoi des Canadiennes a été difficile. Dimanche, elles affrontaient ces mêmes Britanniques dans la phase de groupe. Elles s'étaient prises une dégelée de 22-0. Une victoire contre la France les a envoyées en demi-finales. Mais dans ce match, disputé un peu plus tôt hier, les futures championnes, les Australiennes, les ont battues 17-5.

« Ç'a été dur. On a été dévastées. Le rêve d'une médaille d'or était mort », a admis la capitaine Kish. L'atmosphère était sombre dans le camp canadien. Surtout que le match de bronze d'hier soir les opposait aux mêmes Britanniques qui les avaient blanchies la veille. Les joueuses ont passé l'après-midi à réfléchir à ce qu'elles devaient faire pour gagner, pour ne pas finir quatrièmes. Elles ont décidé de ne pas plier l'échine.

« La défaite ne nous définit pas. On s'est relevées. On s'est dit, oui, elles nous ont battues 22-0 au match précédent. Mais on est capables, on peut les battre. »

Le match est parti sur les chapeaux de roues. Les Canadiennes n'avaient aucun complexe. La Québécoise Karen Paquin a mis un peu plus de deux minutes pour marquer le premier essai. Les autres ont ensuite déboulé pour les Canadiennes, qui ont remporté une victoire claire et nette.

« Le match contre l'Australie nous a brisé le coeur. Il a fallu se relever, se regrouper. On l'a fait », a dit Ghislaine Landry, qui a marqué 18 des points des siennes et a joué les quelque 20 minutes avec une énergie surhumaine.

Paquin: des sacrifices payants

Pour Karen Paquin, de Québec, cette médaille de bronze est en quelque sorte la récompense d'années d'efforts. Cette ingénieure chimiste, qui avait un bon emploi, a décidé de tout mettre de côté et de s'exiler à Victoria pour s'entraîner avec l'équipe nationale.

Mais les sacrifices ont aussi été physiques. Au fil de sa carrière avec l'équipe nationale, elle estime s'être cassé en moyenne un os par année.

« Je n'appelle pas ça des sacrifices, j'appelle ça des choix. J'avais le choix de le faire ou pas. Ça demande énormément, ça c'est vrai, a indiqué Paquin après la victoire. Mais quand on sait pourquoi on le fait, ce sont des choix qui font du bien. Les quatre ans à Victoria, ç'a été difficile, mais ç'a été le fun. »

Karen Paquin, 28 ans, a grandi dans un monde où le rugby n'existait pas. « Quand j'étais petite fille, je regardais Jean-Luc Brassard et je voulais faire des bosses », rigole-t-elle.

Elle espère que les choses vont changer. Que les jeunes au pays vont adopter ce sport rapide, foudroyant, impressionnant. Le rugby à sept était présenté pour la première fois aux Jeux.

« D'arriver ici et de gagner cette médaille, j'espère que ça va encourager plein de jeunes filles à prendre le ballon ovale et à jouer au rugby. Peut-être qu'un jour, elles vont aller aux Jeux olympiques. En tout cas, elles vont découvrir un méchant beau sport. »

Juste après la victoire canadienne, le stade Deodoro a été livré à la finale. Les Australiennes ont battu les Néo-Zélandaises 24-17 pour gagner l'or.

Cette médaille-là, l'or, les Canadiennes la désiraient plus que tout. Mais à ce moment précis, alors que la nuit tombait sur Rio, ça n'avait plus d'importance. Il y avait ce bronze comme un baume sur toutes les blessures, comme une manière d'effacer les défaites, comme une fin quasi parfaite pour celles qui auront été guerrières jusqu'au bout.