Ils s'appellent Linda Beauchemin et Michel Pinard. Ils prenaient l'avion pour la première fois de leur vie pour venir encourager leur fille judoka à Rio. Mais la journée de Catherine Beauchemin-Pinard n'a pas été comme elle l'espérait. Il y a eu la défaite. Il y a eu la déception, les pleurs et les encouragements. C'est aussi ça, les Jeux olympiques.

Quand Linda Beauchemin s'est assise dans la section 220 du stade Carioca de Rio, elle a prévenu ses voisins. Il se pourrait qu'à un moment, elle se lève de son siège et sorte en vitesse. Quand elle regarde sa fille combattre, elle a tendance à être nerveuse. Très nerveuse.

C'est tellement vrai que souvent, même à la maison sur la Rive-Sud de Montréal, elle regarde les combats de Catherine en différé à l'écran. C'est moins stressant comme ça.

Sauf que cette fois-ci, Linda Beauchemin avait pris un avion pour la première fois de sa vie pour être là, en personne, à Rio de Janeiro. Ce n'est pas tous les jours que votre fille se rend aux Jeux olympiques.

Catherine Beauchemin-Pinard, 22 ans, est arrivée à Rio confiante. La jeune judoka est un des plus beaux espoirs de l'équipe canadienne. Dans les coulisses, on chuchotait qu'elle pourrait causer la surprise. Elle est 9e au monde, après tout. Elle n'était pas une favorite. Mais elle avait assez de talent pour pouvoir rêver un peu.

« Catherine, c'est un vrai tank », a déjà dit d'elle le médaillé olympique Antoine Valois-Fortier.

Le tirage pour son premier combat de la journée n'a pas été généreux pour elle. La Hongroise Hedvig Karakas, 11e au monde, est une judoka d'expérience. Les deux s'étaient affrontées trois fois dans les dernières années, avec un avantage d'une victoire pour la Québécoise.

Le duel a été livré bec et ongles. Beauchemin-Pinard a dominé sa rivale au sol. À un moment, elle a failli lui passer une clé de bras. Mais en fin de combat, elle a été pénalisée pour non-combativité. Elle a reçu un shido. Le combat s'est terminé comme ça.

La Hongroise, grâce au plus petit avantage du judo, l'équivalent d'un tiers de point, venait de l'emporter. Les premiers Jeux olympiques de Catherine Beauchemin-Pinard étaient finis. Ils ont duré quatre minutes.

La jeune judoka s'est inclinée pour saluer sa rivale, comme le veut la tradition. Elle a répondu aux questions des journalistes avec classe, les yeux rougis, au bord des larmes. Puis elle est partie dans la section 220 rejoindre ses parents.

Linda Beauchemin l'a prise dans ses bras, et mère et fille ont pleuré un bon coup.

« Je ne sais jamais quoi lui dire dans ces moments-là. J'ai tout le temps peur d'empirer la situation. Alors je pleure. Elle sait que j'ai de la peine parce qu'elle a de la peine. »

Michel Pinard a entouré sa fille de son bras. Lui voyait déjà la suite : la chance de se rendre dans quatre ans aux Jeux olympiques de Tokyo, berceau du judo, alors que Catherine, alors âgée de 26 ans, sera au sommet de sa forme.

« En 2020, ma fille ! », lui a-t-il glissé à l'oreille.

Il n'y a pas de mode d'emploi pour ces moments. En tant que parent, on fait ce qu'on peut. Ils viennent aux Jeux sans équipe, sans entraîneur, souvent sans plan de match, et se retrouvent la plupart du temps au milieu de montagnes russes.

« On la connaît, notre fille, et elle est déçue, c'est évident. Elle s'attendait à aller plus loin. Nous, on n'avait pas d'attentes. Mais c'est notre fille, alors on vit ce qu'elle vit. Et elle est très, très triste. Alors moi aussi, je suis triste », a soupiré Linda Beauchemin.

Partie remise

Après sa défaite, Catherine Beauchemin-Pinard était partagée : d'un côté, elle semblait vouloir prendre une pause de son sport, pour se ressourcer avant de repartir, mais de l'autre, elle n'avait que l'envie de recommencer, là, maintenant.

« C'est clair que je vais jusqu'à 2020. C'est clair depuis un bout dans ma tête, depuis que je sais que je suis sélectionnée », a dit la judoka.

« Je dois prendre une petite pause si je veux repartir pendant quatre ans. Mais en même temps, je suis tellement déçue que j'ai juste envie de repartir m'entraîner là. »

Son entraîneur, Sasha Mehmedovic, sait exactement ce qu'elle vit. Aux Jeux de 2008 et 2012, lui aussi a vécu l'élimination. « C'est dur, mais elle est jeune. Elle a un avenir prometteur et je sais qu'elle va travailler fort pour revenir dans quatre ans », a dit l'entraîneur canadien.

En attendant, Catherine, Linda et Michel sont à Rio pendant 10 jours encore. Ils iront visiter la ville, profiter de leur voyage et remonter le moral de leur fille.

Et l'avion, dans tout ça ? « Ç'a été moins pire que je pensais ! », a lancé Linda Beauchemin.

Tant mieux, parce que Tokyo, c'est loin de Montréal. À 2020, Catherine.

PHOTO JACK GUEZ, AGENCE FRANCE-PRESSE

En début de combat, Catherine Beauchemin-Pinard (en blanc) a failli passer une clé de bras à son adversaire Hedvig Karakas. La Hongroise a trouvé un moyen de se défaire de l’emprise de sa rivale pour finalement l’emporter de justesse.