Alain Bernard, consultant pour la télévision française à Rio, préparait ses notes à la buvette du centre de presse avant les finales d'hier soir. Le champion olympique 2008 du 100 m style libre était heureux de se faire interrompre par un journaliste canadien. L'ex-nageur se demandait justement d'où sortait Santo Condorelli.

À part pour le doigt d'honneur qu'il fait chaque fois qu'il monte sur le plot de départ, un rituel de longue date inventé avec son père, le sprinter de 21 ans ne faisait à peu près pas parler de lui depuis son arrivée au Brésil.

« Il peut être dangereux », a calculé Bernard après s'être fait résumer son parcours jusque-là à Rio. « Il est dans cette dynamique vertueuse où tout va bien. Il prend des repères, il est décomplexé, il est à l'aise, efficace, il fait son meilleur temps. Donc je pense qu'il est une réelle force pour la finale s'il n'a pas beaucoup de stress, quoi. »

Le géant d'Antibes a prédit que Condorelli serait parmi les premiers au virage avec l'Américain Nathan Adrian.

« C'est quelqu'un qui a du courage parce qu'il part vite, a ajouté Bernard. Moi, j'étais dans ce même profil de course. J'étais quelqu'un qui devait partir vite parce que je ne pouvais pas faire mes 100 mètres sur mon retour. C'était mon identité, ce qui me correspondait. Il faut qu'il arrive à gérer son émotion et son énergie dans le premier 50 pour qu'il soit fort au retour... »

Le champion avait vu juste. Parti comme une balle avec Adrian, Condorelli, premier au virage, est venu près de causer la surprise. Mais il s'est fait prendre à son propre jeu, « ramenant » avec lui ses deux voisins de couloir, l'Australien Kyle Chalmers et le Belge Pieter Timmers, respectivement médaillés d'or et d'argent.

Adrian, le tenant du titre, a touché au mur juste avant le Canadien. Pour trois centièmes, Condorelli a échappé la médaille. « C'est dommage de finir quatrième par cette marge. Ça m'est arrivé aux Mondiaux [4e à 0,07 s], mais je suis juste heureux, a-t-il réagi. Avec tout ce qui m'est arrivé ces derniers mois, j'ai changé d'entraîneurs, je suis resté concentré, j'ai réussi mes meilleurs temps quand j'en avais besoin. Je n'ai pas à me plaindre. »

Erreur «stupide»

Pieds nus, tuque enfoncée sur la tête, emmitouflé dans un kangourou, Condorelli avait en effet l'air joyeux. Comme l'a souligné Bernard, il a montré du courage en se lançant en 22,22 secondes sur la première longueur. Il a enregistré un temps total de 47,88 s, une marque personnelle.

« J'étais fier de moi : partir comme ça et ne pas m'en faire avec quoi que ce soit, mener ma propre course, J'étais heureux. Je suis aux Olympiques, ma première fois ici et je fais la finale. Je finis quatrième, ce n'est pas une médaille, mais bon, peu de gens peuvent dire qu'ils ont fait ça. »

Condorelli se reprochait seulement une erreur « stupide » dans l'exécution de sa course. « En partant, j'ai comme tracté l'Australien [Chalmers] à droite. Je sais qu'il revient très fort, alors je ne voulais pas le ramener avec moi. J'ai alors commencé à glisser à ma droite. Je ne prêtais pas attention au kid à ma droite... Il a donc dérivé de mon côté. Whatever ! »

Le « kid » en question était Timmers, un nageur de 28 ans qui disputait la dernière grande course de sa carrière, comme me l'a expliqué un collègue belge avant l'épreuve.

On pardonnera ce petit écart à Condorelli. Lui-même n'aura plus de présentation à faire la prochaine fois qu'il se retrouvera dans une grande finale. Né au Japon d'une mère ontarienne et d'un père américain, élevé en Oregon et développé en Floride et en Californie, il a dépoussiéré son passeport canadien en 2015. Avec la retraite de Brent Hayden, médaillé de bronze en 2012, voilà que l'équipe canadienne peut compter sur un gros poisson dans l'épreuve reine de la natation.

En attendant, Condorelli sera de retour dès cet après-midi pour les préliminaires du 50 m libre et du 100 m papillon.

PHOTO REUTERS

Kyle Chalmers