Quarante ans après Dave Hill aux Jeux de Montréal, le Québec aura un représentant au 1500 m olympique. Après une brillante carrière avec le Rouge et Or de l'Université Laval, Charles Philibert-Thiboutot a émergé l'an dernier sur la scène internationale. Demi-finaliste aux derniers Mondiaux de Pékin, le coureur de 24 ans rêve d'une finale à Rio. Philibert-Thiboutot décrypte l'une des épreuves olympiques les plus dures.

Avant le départ

L'échauffement

«Beaucoup d'athlètes semblent se préparer pour la guerre en commençant leur échauffement. Ils se mettent des écouteurs et des lunettes fumées. N'essaie pas de rentrer dans leur bulle parce que tu vas te faire revirer ! Personnellement, je fais mes affaires sans pour autant avoir un air bête. J'ai un tempérament assez neutre et relax à ce moment-là.

«Je jogge 20 à 25 minutes. Souvent, on doit se restreindre à une piste de pratique. On croise donc souvent nos adversaires. C'est là que tu vois comment les autres se préparent. Mon rythme est assez rapide. Je vais plus vite que tous les Africains, qui traînent les pieds. C'est presque un paradoxe! Ils sont parfois quatre ou cinq à se conter des blagues entre eux. Tu as l'impression qu'ils se préparent pour pas grand-chose.

«Après, je fais ma routine d'exercices d'échauffement dynamiques. J'enfile mes souliers à crampons et je fais quelques accélérations, trois ou quatre 100 m, pour donner un peu de pep à mes jambes.»

Chambre d'appel

«C'est un endroit où tu passes entre 20 et 30 minutes avant la course. C'est là où tu enlèves tes survêtements et apposes ton dossard. Il y a toujours un peu de tension parce que tout le monde est assis dans la même pièce et on se pile tous sur les pieds. Certains blaguent, d'autres sont dans leur bulle. En soi, juste ça, c'est un événement.»

La course

La détente (0-800 m)

«Les deux premiers tours, c'est le moment pour me placer dans la course. Tout ce que je me répète, c'est: "Tu es relax, en contrôle, c'est facile." Je me mets dans un état mental où je me protège de toute pensée négative. Il faut que cette première moitié de course ressemble le plus possible à un jogging. Dans une épreuve de la Ligue de diamant, ça part à un rythme de malades. Au premier 800 m, je peux passer à 1 min 52 s, 53 s, 54 s... Même si c'est vite, je dois rester en contrôle de mes moyens si je veux me rendre à la ligne d'arrivée en un morceau. Aux Jeux, où le rythme sera beaucoup plus lent, je dois garder le même état d'esprit. Et me tenir prêt quand ça va donner un coup...»

L'occasion (800-1100 m)

«Cette portion ne représente pas un grand pourcentage de la course, mais elle est très importante. Dans une course rapide, c'est souvent le moment où les coureurs auront naturellement tendance à ralentir, voulant se garder pour le dernier tour. Personnellement, je sais que si je reste éveillé, je vais être capable de remonter de quelques positions. C'est une occasion. Aux Mondiaux ou aux Jeux, c'est là que ça devient intéressant parce que ça se met à accélérer. Le rythme peut changer assez vite et ça peut te casser les jambes. Tu ne peux pas te crisper parce que le prochain tour sera encore plus vite.»

La cloche (1100-1500 m)

«À la cloche, on lâche tous les chevaux! À partir de là, on oublie le contrôle. Tu fais tout en ton possible pour te rapprocher de la victoire. Tu vides le réservoir. Il n'y a rien de confortable, rien n'est censé être facile. Dans ma tête, je me dis: "Lui, va le chercher, lui, va le chercher... Et advienne que pourra."»

Après l'épreuve

L'arrivée

«Quand on traverse la ligne, la tension tombe. On se félicite tous. En retournant à l'intérieur du stade, la camaraderie s'installe avec presque tout le monde. La jasette vient beaucoup plus facilement. Pendant qu'on se rhabille, on se raconte comment la course s'est passée, les plans pour les prochaines semaines. Durant le cooldown, qui dure une vingtaine de minutes, je me retrouve toujours à discuter avec un adversaire. Comme si on se retrouvait entre chums.»