Penelope Oleksiak est sortie de la chambre d'appel quelques secondes plus tôt que prévu, s'est accroupie dans un angle mort où la caméra ne pouvait la voir et a lentement tourné les yeux vers le balcon du stade aquatique olympique. Une vingtaine de ses coéquipiers s'étaient réunis pour l'encourager. Elle a souri en voyant l'immense pancarte de son visage que brandissait Emily Overholt. Elle n'avait pas l'air d'une fille sur le point de passer à l'histoire.

En remportant l'or du 100 m style libre jeudi soir, son quatrième podium à Rio, Oleksiak est devenue l'athlète canadienne la plus médaillée dans une seule présentation des Jeux olympiques d'été.

« J'ai seulement 16 ans, a rappelé la Torontoise en conférence de presse. C'est assez fou de gagner une médaille d'or à tes premiers Jeux olympiques à 16 ans. Je savais qu'il y avait la pression pour essayer de passer à l'histoire avec quatre médailles, j'imagine. Mais ce n'était pas une chose à laquelle je pensais avant la course. J'essayais seulement de nager le plus vite possible et d'être heureuse, peu importe le résultat. »

Aucun nageur canadien n'avait gagné une médaille d'or depuis Mark Tewksbury en 1992. Aucune femme n'avait réussi l'exploit depuis Anne Ottenbrite en 1984. Aucune Canadienne n'était montée sur le podium au 100 m libre, épreuve reine de la natation.

PHOTO SEAN KILPATRICK, PC

Penny Oleksiak pose fièrement avec sa médaille d'or.

« Ça veut tellement dire beaucoup parce que je veux vraiment inspirer des jeunes de mon âge ou même des plus jeunes de faire tout ce qu'ils veulent, a dit Oleksiak. Les gens ne pensaient même pas que je puisse me classer dans l'équipe olympique. Être ici, gagner l'or, est un feeling fantastique. »

NOUVEAU MILLÉNAIRE

Elle est la première médaillée d'or individuelle née dans le nouveau millénaire. Sa faculté à revenir de l'arrière, un aspect qu'elle travaille depuis qu'elle est toute jeune, lui a encore permis de signer l'exploit après l'argent au 100 m papillon et le bronze aux deux relais.

Septième à mi-chemin, elle a franchi la deuxième longueur une demi-seconde plus vite que toutes ses rivales, rattrapant à un rythme ahurissant sa voisine de couloir, l'Australienne Cate Campbell, auteure du record mondial le mois dernier.

« Au virage, j'ai comme vu que j'étais pas mal loin derrière, a décrit Oleksiak. Je savais que j'avais tourné après pratiquement tout le monde. J'essayais juste de revenir le plus vite possible. »

La Canadienne ne savait pas trop ce qui se passait après avoir touché au mur. Elle est y restée accrochée une bonne dizaine de secondes avant de se tourner et de comprendre ce que tout le monde avait déjà vu : elle était championne olympique, à égalité avec l'Américaine Simone Manuel.

Le visage d'Oleksiak s'est illuminé. Elle a fait l'accolade à la Suédoise Sarah Sjöström, médaillée de bronze, avant de rejoindre Manuel, 20 ans et première Afro-Américaine médaillée d'or individuelle en natation. Le temps de 52,70 secondes est un record olympique.

« Je ne pensais pas du tout pouvoir gagner l'or avant la compétition. Tout le monde rêve de devenir champion olympique. J'y ai clairement pensé, mais pas super sérieusement, j'imagine. Ç'a toujours été un rêve », a déclaré Oleksiak.

Dans les gradins, Sandrine Mainville se demandait encore comment sa partenaire d'entraînement avait réussi à sortir un autre lapin de son chapeau. « Oui, elle est vite à l'entraînement, mais on est tous vite à l'entraînement », a dit la médaillée de bronze au relais 4 x 100 m. « Qu'est-ce qu'elle a de plus ? Qu'est-ce qui s'est passé dans la dernière année pour qu'elle s'améliore aussi vite ? Je n'ai pas d'explications. Je suis sans mots. »

Après la cérémonie du podium, Oleksiak est allée embrasser ses parents, son frère et sa soeur, une famille de sportifs.

« On l'a vu grandir depuis qu'elle est bébé. Son frère et moi, on a changé ses premières couches », a raconté sa soeur aînée Hayley, 22 ans, les yeux dans l'eau. « Elle nous a encore presque fait faire une crise cardiaque à la première longueur. Mais il faut lui faire confiance. Elle a beaucoup de coeur. Je suis tellement fière d'elle. »

Le plus fou, c'est qu'Oleksiak pourrait très bien gagner une cinquième médaille aujourd'hui au relais 4 x 100 m quatre nages, où le Canada figurera parmi les favoris. D'une manière ou d'une autre, le drapeau unifolié l'attend déjà pour la cérémonie de clôture.