Roseline Filion n'est plus l'adolescente que le public a découverte aux Championnats du monde de Montréal, à l'été 2005. À 29 ans, elle sera l'une des concurrentes les plus âgées à la plateforme de 10 m à Rio de Janeiro. Après deux décennies dans le plongeon, la triple olympienne est plus en forme que jamais. Genèse d'une transformation.

Un entraînement vient de prendre fin au bassin de plongeon du Stade olympique. À deux mois des Jeux de Rio, l'heure est au gros volume. Pour les filles à la tour de 10 m, ça signifie une cinquantaine d'entrées à l'eau. Tac, tac, tac, ça cogne fort.

Roseline Filion sort de la piscine et tape la main des entraîneurs, selon une chorégraphie complexe et établie de longue date. Arturo Miranda, son entraîneur principal depuis l'automne 2012, n'aura pas droit à la sienne. «Je suis trop fatiguée pour la faire!», dit la plongeuse en rigolant, tout en s'assoyant pour l'entrevue.

À 29 ans, Filion est pourtant au sommet de sa condition physique. Une fracture à un talon, subie avant Noël, n'est plus qu'un mauvais souvenir. «Je suis 20 fois plus en forme qu'avant», lance-t-elle. Ça se voit. Son visage s'est affiné, sa silhouette s'est découpée. Pour une athlète olympique de son âge, la transformation est remarquable.

«En 2012, j'étais sûre que j'avais atteint mon plateau», souligne la médaillée de bronze en synchro aux derniers JO, à Londres. «Finalement, pas du tout. Aujourd'hui, je suis complètement différente. J'ai appris à repousser mes limites et à voir qu'il y a encore de la place pour apprendre.»

Au début du cycle pour Rio, Filion a décidé de faire les choses autrement. Après des années avec Cesar Henderson, elle s'est adjoint les services de Miranda. Elle a confié sa préparation physique à Fayez Abdulrahman, un spécialiste de la structure de B2Dix, où Alexandre Despatie est aussi passé à la fin de sa carrière.

Sans en faire une maladie, le poids a toujours été un sujet délicat pour Roseline. Si un entraîneur s'avisait de le lui faire remarquer, elle se braquait. «J'étais insultée, dit-elle. Pour une jeune adolescente, ce n'est pas le fun.» Elle compensait par sa force et ses aptitudes de compétitrice.

Mais le plongeon est un sport jugé. À ce niveau, chaque détail compte.

«Je n'ai jamais considéré que j'avais un surplus de poids. Mais dans un sport où tu es en maillot, tu ne peux rien cacher!»

«Ç'a changé ma vie»

Pour les JO de Londres, Filion s'astreignait à des séances de course supplémentaires. «Ça n'a rien changé.» Son nouveau préparateur physique lui a fait comprendre qu'elle ne s'y prenait pas de la bonne manière. Exit le tapis roulant. «Maintenant, je fais plutôt de petits circuits, avec plein de petits exercices, en incorporant des moments où je dépense plus d'énergie. À la fin, t'es mort.»

Elle a aussi cessé de s'entraîner le samedi, en profitant pour se régénérer et... cuisiner.

Avec le concours d'Alexia de Macar, sa nutritionniste depuis sept ans, elle a développé un intérêt pour la popote. «Je suis presque devenue créative!»

Étape par étape, sans en faire une obsession, elle a modifié son rapport avec l'alimentation et soigné son hygiène de vie. En quelques années, sans se priver, elle a perdu une quinzaine de livres, sans jamais les reprendre. «J'ai appris à voir la nourriture comme du carburant pour passer à travers les entraînements», résume l'athlète de Laval.

Médaille d'argent aux Mondiaux 2015 en synchro avec Meaghan Benfeito, premier titre individuel en Séries mondiales, le circuit le plus relevé, Roseline Filion s'est distinguée comme jamais dans la dernière année et demie. Sa transformation physique n'est pas étrangère à ces succès.

«Ç'a vraiment changé ma vie», confirme-t-elle. Ses plongeons ont gagné en grâce et en hauteur. Mais il n'y a pas que ça. «À la base, profondément, je le fais pour moi, plus que pour n'importe quoi d'autre.»