Marianne St-Gelais a mis du temps à se présenter devant les journalistes tôt ce matin, après avoir été éliminée dès les quarts de finale du 1000 m. Elle devait digérer tout ça. Elle s'est finalement présentée les yeux rougis, un mouchoir à la main. Jamais la patineuse n'avait imaginé que ses derniers tours de piste sur une glace olympique se dérouleraient de cette façon, sur une enfilade de déceptions. «Je suis extrêmement déçue.»

Triple médaillée d'argent (500 m et relais 3000 m à Vancouver, relais 3000 m à Sotchi), la patineuse de Saint-Félicien rêvait de tirer sa révérence à PyeongChang avec une nouvelle médaille au cou. Après avoir été pénalisée en quart de finale du 500 m, en demi-finale du 1500 m, au relais 3000 m, elle avait mis tous ses espoirs dans l'épreuve du 1000 m. Mais son parcours s'est arrêté dès la première course de la journée. Tout de suite après, elle a craqué.

Pendant toute la quinzaine olympique, elle s'était accrochée. Elle tournait la page après chaque course, afin de se concentrer sur la suivante. «Je savais que c'était sur 22 jours, c'était important pour moi de garder le focus, de ne rien laisser échapper. Mais là, c'est terminé, je n'ai plus rien à quoi m'accrocher dans l'immédiat. Tout lâche, les nerfs lâchent. Je suis extrêmement déçue de mes Jeux, parce qu'il n'y a rien qui s'est passé comme je voulais. C'était mes derniers Jeux, ça ajoutait un petit côté sentimental, un côté nostalgique», a-t-elle dit, entre deux sanglots.

«J'avais vraiment l'impression que j'étais prête pour ces Jeux-là, je n'ai rien laissé au hasard. Je n'ai jamais senti que j'avais de la pression, je savais très bien que j'avais des chances de faire des finales, je savais très bien ce dont j'étais capable, les résultats le prouvaient. Mais le courte piste, c'est le courte piste. Il y a des trucs qui ont été plus difficiles à avaler que d'autres. En bout de ligne, je ne peux rien changer de ce qui s'est passé. On fait juste avancer.»

«Marianne a été constante cette année. Elle pouvait gagner des médailles sur chaque distance. Elle avait le potentiel. Elle a travaillé à être une meilleure athlète et elle l'était, a dit l'entraîneur Frédéric Blackburn. Je suis content pour Kim, triste pour elle.»

Ce matin, St-Gelais patinait dans la même vague que sa coéquipière Kim Boutin qui a rapidement pris la tête. Deuxième, elle a été dépassée par la Coréenne Kim Alang et n'a pu combler l'écart. «Le plan, c'était d'éviter que la Coréenne se faufile parce que je savais que ça allait être difficile de la dépasser. Je me suis essayée plusieurs fois à l'intérieur parce que j'avais de la vitesse. Et quand j'ai voulu aller à l'extérieur, je n'avais plus de jus. J'ai pris des décisions qui n'étaient pas mauvaises, mais il fallait que je sois plus sharp. Elle a été meilleure que moi dans cette course.»

La Québécoise souhaitait vivre les Jeux à fond. «J'avais envie d'être ici. Je savais que c'était mes derniers Jeux. Je ne les voyais pas comme les Jeux de la dernière chance, mais comme une dernière opportunité de briller, de faire les choses en grand.»

De ce rendez-vous manqué, elle tire néanmoins la satisfaction de voir la relève bien en place. «C'était super important de passer le flambeau, ça restait un objectif de voir mes coéquipiers performer, a-t-elle dit. Je m'en vais, j'ai envie que l'équipe soit en santé. Ce que Kim fait en ce moment, ce que Samuel fait en ce moment, c'est génial. On ne peut pas espérer mieux, on ne peut pas avoir de meilleurs leaders pour l'équipe canadienne. C'est un soulagement et je suis super contente de le vivre avec elle [Kim].»

St-Gelais participera aux Mondiaux à Montréal en mars. Elle y fera ses adieux définitifs. Elle prendra d'abord le temps d'encaisser le coup, de rebâtir sa confiance. «Ce sera gros. J'ai l'impression que les émotions vont déjà être dans le tapis. S'il m'en reste dans le réservoir, tout peut exploser assez rapidement.» Pour l'instant, «parce qu'on est une équipe serrée», elle souhaite surtout partager les beaux moments que vivent ses coéquipiers.

Tout en parlant, la patineuse regardait l'écran tout près de la zone des médias. Elle ne voulait pas écourter la période des entrevues, mais elle n'aurait pas voulu rater une seconde de la course de Kim Boutin. Elle voulait être là, près de la bande, pour être la première à l'enlacer, à rire, à pleurer.