Charles Hamelin venait de gagner sa cinquième médaille olympique, mais il n'avait envie que d'une chose: la partager avec son grand frère François.

Dans un coin du Palais des glaces de Gangneung, Charles lui a demandé de sauter par-dessus les coussins de protection pour qu'il se joigne à la photo de groupe. Quand les trois autres sont partis, il l'a étreint longuement. En lui caressant le dos, il lui a glissé à l'oreille: «Tu pourras garder ma médaille quelques jours si tu le veux bien.»

François, substitut pour le relais, a essuyé ses larmes avant de retrouver sa belle-soeur Marianne St-Gelais de l'autre côté de la bande. Ainsi a pris fin l'époque des frères Hamelin, figures marquantes du patinage de vitesse courte piste canadien depuis plus d'une décennie.

«Il n'était pas sur la glace avec nous en compétition pour les relais, mais il est une part entière de cette équipe, a souligné Charles. C'est un sentiment que je devais aller vivre avec lui. J'ai vécu ma vie au complet avec lui. Trois Jeux olympiques ensemble, c'est quelque chose d'unique et d'indescriptible. On n'aurait jamais pu espérer ça en tant que frères. C'est arrivé comme un conte de fées. On a vécu ça ensemble comme des coéquipiers, comme des frères, comme des amis, comme des rivaux, à tous les niveaux.»

Hamelin, Samuel Girard, Charle Cournoyer et Pascal Dion espéraient mieux qu'une médaille de bronze au relais 5000 m aux Jeux olympiques de PyeongChang, jeudi soir (heure locale). Auteurs de deux victoires en Coupe du monde en début de saison, les champions de 2010 pouvaient venger l'échec de Sotchi où François avait subi une malheureuse chute en demi-finale.

Meneur avec 16 tours à faire, le quatuor canadien s'était parfaitement positionné. Mais deux contacts fortuits avec les Sud-Coréens, qui étaient tombés un peu plus tôt, ont bousillé leurs plans. Au dernier échange, Hamelin n'a pas été en mesure propulser Girard adéquatement. Le médaillé d'or du 1000 m a perdu de la vitesse et n'a pu empêcher le Hongrois Shaolin Sandor Liu et le Chinois Han Tianyu de le déborder.

«C'était vraiment difficile vu les circonstances, a raconté Girard. J'ai essayé de bloquer du mieux que je pouvais et ensuite faire les deux tours, prendre de la vitesse, bloquer, mais j'ai tellement perdu de vitesse. Après, on essaie de rester debout et on finit la course.»

La Hongrie a donc gagné sa première médaille en courte piste et son premier titre olympique dans l'histoire des Jeux d'hiver, tout ça sous les cris et applaudissements de leurs journalistes, debout sur la galerie de presse. La Chine a remporté l'argent, suivie du Canada, qui renouait avec le podium après l'or de Vancouver.

«La chose que je retiens de cette course, c'est qu'on a vraiment couru pour la médaille d'or, a souligné Hamelin. On a été intelligents, je pense qu'on a été la meilleure équipe sur la glace pour exécuter nos dépassements et réussir à se positionner. Quand tu as le sentiment d'avoir tout fait pour gagner, peu importe la couleur de la médaille, on peut être extrêmement fiers de notre résultat.»

Quatrième de la finale du 500 m la plus rapide de l'histoire, remportée 50 minutes plus tôt par le Chinois Wu Dajing, Girard ne retenait que du positif de cette dernière soirée de compétition. Avec son chrono de 39,987 s, le patineur de Ferland-et-Boilleau a battu le record canadien que détenait Hamelin. Le jeune homme de 21 ans a bel et bien repris le flambeau.

Avec cette cinquième médaille en quatre JO (trois d'or, une d'argent, une de bronze), Hamelin rejoint Marc Gagnon et François-Louis Tremblay au sommet du palmarès masculin canadien des Jeux d'hiver. En début de journée, Tremblay regrettait que trois disqualifications dans les épreuves individuelles à PyeongChang aient empêché son ancien coéquipier de le dépasser. «J'aurais aimé que Charles en gagne sept, huit, neuf», a dit celui qui analysait les courses pour ICI Radio-Canada.

Véritable capitaine de l'équipe, Hamelin était heureux de pouvoir quitter la Corée du Sud sur un succès collectif.

«Le travail qu'on a mis dans le relais au cours des dernières saisons, ce n'est personne qui a pris des décisions pour changer les choses, ce fut une décision de groupe, a souligné l'athlète de 33 ans. On s'est regardés dans le blanc des yeux et on s'est dit les vraies choses. On a voulu apprendre de chacun. On était critiques les uns envers les autres. C'est ce qui a donné ces résultats. On peut juste être fiers de ce qu'on a accompli aujourd'hui.»

Quelque part dans l'aréna, Yves Hamelin, directeur du programme de courte piste de 2006 à 2014, pouvait lui aussi être fier de ses deux fils.

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Mission accomplie

Grâce à l'émergence de Kim Boutin (une médaille d'argent et deux de bronze) et de Samuel Girard (l'or au 1000 m et le bronze au relais), l'équipe canadienne de courte piste a surpassé son objectif en Corée du Sud, qui était d'améliorer le total décevant de trois médailles à Sotchi. À Vancouver en 2010, les patineurs canadiens étaient aussi montés cinq fois sur le podium. En dépit de la progression attendue des Pays-Bas, le Canada maintient sa place parmi les pays de tête. 

Girard a assuré que les «beaux moments» n'étaient pas terminés. «Oh non!», a acquiescé Pascal Dion, 23 ans et titulaire de sa première médaille olympique. «Charles a tellement apporté à Patinage de vitesse Canada. On est à un niveau vraiment élevé. L'équipe est plus forte que jamais. Il y a vraiment beaucoup de relève. Dans quatre ans, on va être prêts, même si on perd de bons vétérans comme Charles.»

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Total des médailles en courte piste à PyeongChang

• Corée du Sud: 6 (3-1-2)

• Canada: 5 (1-1-3)

• Pays-Bas: 4 (1-2-1)

• Chine: 3 (1-2-0)

• Italie: 3 (1-1-1)