Au moment où les affaires de dopage continuent de monopoliser l'actualité à PyeongChang, Alex Harvey s'attend néanmoins à disputer «les Jeux olympiques les plus propres» de mémoire récente.

Encouragé par les «mesures draconiennes» prises par le Comité international olympique (CIO) et le «message clair» envoyé depuis le scandale de Sotchi en 2014, le fondeur de Saint-Ferréol est persuadé que les tricheurs seront moins nombreux en Corée du Sud.

«Tu ne peux jamais rien garantir, mais il y en aura moins que jamais en tout cas, a jugé Harvey, mardi après-midi. Ça, je le crois fermement. [...] Ce message fort envoyé, c'est peut-être la plus grande victoire pour tous les autres athlètes. Personne ne peut se permettre de prendre de risques. Je pense que ça va être les Jeux les plus propres [depuis plusieurs années].»

Harvey réagissait à l'appel d'urgence logé le même jour par 32 athlètes russes, dont le fondeur Sergey Ustiugov, devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) pour être réintégrés aux JO de PyeongChang. Une chambre ad hoc du TAS doit rendre une décision mercredi.

Par ailleurs, une enquête conjointe menée par le quotidien britannique The Times et la chaîne de télévision allemande ARD a éclaboussé un peu plus le ski de fond. Un lanceur d'alerte a fourni à ces médias une base de données contenant les résultats de 10 000 tests sanguins menés par la Fédération internationale de ski (FIS) de 2001 à 2010. Selon un expert, ces données concernant 2000 athlètes révèlent que près du tiers des médaillés aux Jeux olympiques et aux Championnats du monde depuis 2001 présentaient des paramètres hématologiques suspects.

Au total, 291 fondeurs auraient remis des tests suggérant des manipulations sanguines illégales durant cette période. Parmi les pays les plus touchés, la Russie vient en tête de liste avec 51. Dix fondeurs canadiens auraient aussi eu des résultats de tests anormaux.

Harvey, qui n'était pas au courant de l'existence de cette enquête, s'est dit surpris de voir le Canada impliqué. «C'est possible parce que je ne suis pas avec tout le monde 365 jours par année, c'est possible dans tous les sports, c'est sûr, mais selon moi, non, il n'y en avait pas [au Canada]», a-t-il indiqué en marge de la conférence de presse d'ouverture de l'équipe canadienne de ski de fond.

Comme le passeport biologique et son suivi longitudinal ne sont entrés en vigueur qu'en 2009, Harvey a émis l'hypothèse que les pratiques de suivi antidopage de l'époque expliquent le nombre élevé de valeurs suspectes.

«Avant, il y avait une limite pour le niveau d'hématocrite [proportion de globules rouges dans le sang NDLR] et je sais qu'un Canadien, Sean Crooks, avait été au-dessus de la limite en 2006. Après ça, ils ont changé. C'est un hématologue qui analyse les données sanguines parce qu'il y en a pour qui elles sont naturellement élevées. Personnellement, je n'ai jamais été trop élevé.»

Le vétéran Devon Kershaw a lui aussi soulevé l'exemple de son «grand ami» Crooks, un coéquipier aux JO de Turin en 2006. «Je n'ai jamais rien entendu de tel au Canada, mais c'est sûr que je suis déçu quand je lis des choses comme ça, a commenté l'ancien numéro deux mondial. Ce n'est pas juste pour le sport. On ne veut pas d'un monde fait de tricheurs qui ne subissent pas de conséquences. C'est laid. C'est plus que décevant.»

Kershaw a déploré le manque de «transparence» du CIO et le fait que les décisions se prennent derrière des portes closes. «Personnellement, je ne comprends pas pourquoi des personnes du CIO, de l'Agence mondiale antidopage et de la FIS portent plusieurs chapeaux. Je n'ai qu'une tête et je ne sais pas pourquoi tu pourrais porter deux chapeaux... Je suis déçu quand je lis des trucs comme ça.»

Surpris de la suspension d'Ustiugov, quintuple médaillé aux derniers Mondiaux dont le nom n'avait jamais été mêlé au scandale de Sotchi, Harvey ne perdra pas le sommeil en attendant que le TAS tranche sur son cas et celui de ses 31 collègues.

«Moi, sur la ligne de départ dimanche prochain, que n'importe qui soit là, je fais ma course et j'ai confiance que même si Ustiugov est là, je suis capable de skier plus vite que lui», a affirmé le champion mondial québécois.