On savait que la couverture sportive allait être l'une des principales victimes des compressions budgétaires à Radio-Canada. Des sources au sein de l'entreprise dressent maintenant un premier portrait de la situation. Et personne ne l'avait prévu si sombre.

Selon le syndicat et des employés de la société d'État que nous avons consultés, le budget des sports sera amputé de 22% aux services français. Le chiffre ébruité au cours des derniers jours a créé l'émoi dans la division des sports, un créneau déjà passablement malmené dans les dernières années.

Il s'agit d'un effort autrement plus important que celui exigé à l'ensemble de la SRC, où les compressions représentent 10% des budgets. Les sports seraient la deuxième section la plus touchée dans l'entreprise, loin derrière Radio-Canada International, qui doit perdre 10 de ses 12 millions de budget.

L'entreprise n'a pas voulu confirmer la véracité de ce chiffre pour des raisons «concurrentielles». Mais Radio-Canada a toutefois confirmé que les sports seront touchés. Les victimes vont se compter sur plusieurs fronts.

La couverture du sport amateur va notamment en pâtir, avec la réduction du nombre d'émissions de Sport-weekend, qui présente à l'heure actuelle des compétitions de ski de fond, de natation, de patinage et d'une panoplie de sports délaissés par les chaînes sportives.

Robert Frosi fait aussi la part belle aux sports amateurs dans sa quotidienne, Culture physique, diffusée sur les ondes de la Première chaîne. L'émission reviendra à la rentrée d'automne dans un format hebdomadaire, les dimanches. Plusieurs heures de couverture sportive partent ainsi en fumée.

La société d'État a par ailleurs annoncé récemment la suppression pure et simple de Droit au but, une émission hebdomadaire lancée il y a un peu plus d'un an et qui voulait «relier sport et show-business».

Le Syndicat des communications de Radio-Canada parle aussi de chamboulements chez ses membres. D'ici le début du mois de mai, un poste de journaliste sportif sera supprimé à Montréal ainsi qu'un poste de rédacteur. Le service des sports devrait aussi perdre deux techniciens et des réalisateurs changeront d'affectation.

Les compressions de 115 millions à la SRC, annoncées par le gouvernement Harper au début du mois, ont aussi signé la mort du projet de chaîne sportive en français, pour laquelle la société d'État avait obtenu une licence du CRTC en 2010.

Ces mesures auront pour effet de réduire la place du sport dans la programmation de la société d'État à un moment où la concurrence n'a jamais été aussi forte dans ce créneau.

«Ces nouvelles-là ont été particulièrement tristes pour les plus anciens, qui ont été témoins du déclin des sports à Radio-Canada, a expliqué à La Presse un employé de la SRC travaillant à la rdaction sportive. On le voit de plus en plus sur le terrain, par rapport aux journalistes des autres médias. On n'est plus des acteurs majeurs du sport. On est quasiment rendus des touristes.»

Quel avenir pour le tennis et le football?

Ces compressions font maintenant planer une ombre sur les rares événements sportifs locaux que diffuse toujours Radio-Canada: le tennis de la Coupe Rogers et le football universitaire. Dans le premier cas, les droits seront échus dans trois ans et dès 2013 pour le football.

La société d'État pourra-t-elle les conserver à échéance, alors que la multiplication des chaînes sportives crée une surenchère? Le cas de figure de l'Impact, équipe perdue cette année par la SRC au profit de TVA Sports et de RDS, suggère de répondre par la négative.

La SRC rappelle qu'elle présentera la Coupe du monde 2014 au Brésil et est toujours dans la course pour les droits des Jeux de 2014 et de 2016 en partenariat avec RDS. Elle continuera de diffuser «d'autres sports d'hiver dans lesquels les francophones du pays se démarquent, comme le patinage de vitesse courte piste et le ski acrobatique», assure un porte-parole.