Si je couvre les sports olympiques depuis presque 12 ans, je le dois beaucoup à Randy Starkman, journaliste du Toronto Star mort subitement lundi à l'âge de 51 ans.

Dans les années 80, il était le seul journaliste canadien à couvrir les exploits de Gaétan Boucher et de Pierre Harvey en Europe. Il a couvert 12 Jeux olympiques. J'ai eu le privilège d'être à ses côtés pour les cinq derniers. Au bas d'une piste de ski ou sur le bord d'une piste d'athlétisme, il était un modèle et une inspiration. Comme journaliste et comme homme.

Si les Mondiaux de patinage artistique de Moscou, en 2005, restent l'une de mes belles couvertures, c'est beaucoup grâce à lui.

J'avais été malade comme un chien et il m'avait presque traîné de force pour qu'on aille visiter la place Rouge entre deux compétitions. On s'était arrêtés dans une boutique de sport pour acheter des bâtons de hockey et une rondelle. Une fine neige était tombée sur les pavés. Des conditions parfaites pour nous faire de longues passes devant la basilique.

Randy était un excellent passeur. Toujours prêt à partager ses informations, ses connaissances et ses contacts, apparemment infinis. Le destin a voulu que les essais olympiques de natation, début avril à Montréal, fussent sa dernière assignation.

J'ai passé la semaine assis à ses côtés, à rire et à discuter de la façon d'attaquer tel ou tel sujet. Il a encore réussi à tous nous donner des complexes. Entre deux séances de natation, il a fait des entrevues avec les plongeurs, est allé visiter la mère de la joueuse de water-polo Krystina Alogbo à sa piscine dans le quartier Saint-Michel et a publié un scoop sur les commotions cérébrales en water-polo. Pour couronner le tout, il a écrit un texte inspirant sur la fille d'Anne Merklinger, la patronne d'À nous le podium, qui participait aux sélections paralympiques.

Contrairement à plusieurs de ses collègues anglophones, il ne rechignait pas à faire le portrait d'un athlète québécois qui ne maîtrisait pas la langue de Shakespeare, insistant pour que je lui traduise les propos en français.

Comme d'habitude, sa préparation pour les Jeux olympiques de Londres était déjà bien avancée. Il avait interviewé une vingtaine d'athlètes en long et en large. «Je leur fais subir le supplice de la goutte chinoise», aimait-il répéter. En fait, il était un intervieweur exceptionnel, toujours prêt à relancer quand tous les sujets semblaient épuisés.

Les athlètes le respectaient et l'adoraient unanimement. « Non seulement avait-il la capacité de mettre les choses en perspective, il nous faisait souvent réaliser qui nous étions grâce à son point de vue», a écrit Clara Hughes, avec laquelle il projetait d'écrire un livre.

Respectueux, jamais il ne sombrait dans la complaisance. La tricherie et l'injustice lui répugnaient. Le sulfureux entraîneur de natation Cecil Russell peut en témoigner. Les recherches et les écrits de Randy ont contribué à le faire bannir à vie pour une deuxième fois.

Il était un amoureux du sport. Il était surtout amoureux de sa femme Mary, elle aussi journaliste, et de leur fille Ella, dont il ne manquait jamais de me montrer la dernière photo. Il adorait les enfants, avec lesquels il était si à l'aise.

Je l'entends encore, dans son français approximatif, se présenter à mon petit Léon à la piscine: «Bonjour, je m'appelle Randy!»

Salut, Randy.