Craig Button doit frémir à chaque nouvel honneur reçu par Martin St-Louis.

On devine sa réaction, hier, lorsque St-Louis a été admis au Temple de la renommée du hockey.

Button est devenu avec les années l'un des analystes les plus respectés du monde du hockey. Mais son expérience comme directeur général des Flames de Calgary n'a pas été concluante.

Sa première décision, à son entrée en poste en juin 2000, semblait anodine à l'époque. Il a racheté le contrat d'un attaquant considéré comme un joueur des ligues mineures, Martin St-Louis.

Le Québécois avait passé les deux dernières années à faire la navette entre la LNH et la Ligue américaine. Il venait d'avoir 25 ans. 

St-Louis venait de marquer trois buts en 56 matchs à Calgary. Button avait identifié ses deux premiers ailiers droits, Jarome Iginla et Valeri Bure. Ce dernier n'était déjà pas très costaud.

Button ne voulait vraisemblablement pas deux petits ailiers droits au sein de ses trois premiers trios, à une époque où les géants régnaient encore sur la LNH.

À la fin de l'été, un peu plus de cinq semaines avant l'ouverture des camps d'entraînement, le directeur général du Lightning de Tampa Bay, Rick Dudley, a embauché St-Louis après avoir supplié les propriétaires de l'équipe de lui permettre d'offrir à St-Louis un contrat garanti de la Ligue nationale. C'était le début d'une grande aventure.

«Je n'ai pas d'excuses, confiait Button au Calgary Herald en 2015. Je le voyais jouer depuis les rangs Midget au Québec. Je l'ai vu à l'oeuvre aussi dans les mineures. J'ai mal évalué son talent. Mais lors de nos meetings d'évaluation avec notre groupe de décideurs, un seul homme dans la pièce l'a défendu, Tom Watts. Personne d'autre. Le plus terrifiant, c'est qu'un autre attaquant, Andrei Nazarov (un dur à cuire), était nettement plus populaire au sein de notre groupe. Je l'ai finalement échangé quelques mois plus tard pour Jordan Leopold.»

St-Louis, 43 ans, a appris hier qu'il serait admis au Temple de la renommée du hockey le 12 novembre avec un autre Québécois, le gardien Martin Brodeur, tout comme Willie O'Ree, Jayna Hefford, Alexander Yakushev et le commissaire Gary Bettman dans la catégorie des batisseurs.Cet attaquant québécois de 5 pieds 8 pouces a  remporté la Coupe Stanley en 2004 et gagné le trophée Hart remis au joueur le plus utile dans la LNH la même année. Il a aussi remporté deux championnats des compteurs et amassé 1033 points en 1134 matchs au terme de sa carrière.

Dudley, l'ancien bras droit de Marc Bergevin, avant d'être embauché par les Hurricanes de la Caroline ce printemps, passe pour un génie dans cette histoire. Il avait toujours eu un faible pour ce joueur, et la banque d'attaquants de talent n'était pas très garnie à Tampa Bay à l'époque.

«Malgré tout, j'ai eu à me battre pour convaincre mes patrons de l'embaucher, confiait Dudley à La Presse en octobre 2016. Pour le convaincre de rester en Amérique du Nord, je devais lui offrir un contrat garanti parce qu'il aurait fait autant d'argent en Europe. Je me souviens exactement de ce que j'ai dit à mon patron Tom Wilson: "Je ne sais pas à quel point il sera bon, mais il peut jouer dans cette ligue."»

Dudley lui a offert un contrat d'un an évalué à 250 000 $, assorti d'une année d'option. St-Louis allait avoir 25 ans. À peine trois ans plus tard, le jeune homme remportait le trophée Hart remis au joueur par excellence dans la LNH et la Coupe Stanley. 

Button a recroisé Martin St-Louis quatre ans après s'en être débarrassé à l'occasion de la Coupe du monde de hockey. Le Québécois venait de conclure la saison avec 94 points, remporté la Coupe Stanley et le trophée Hart.

Il a eu l'humilité d'aller parler au Québécois. Button était sans emploi, après avoir été congédié par les Flames un an plus tôt.

St-Louis était en compagnie de Denis Gauthier et Jean-Sébastien Giguère, deux anciens des Flames.  

Ceux-ci ont raconté la scène à RDS plusieurs années plus tard.

Giguère avait été échangé pour un choix de deuxième ronde quelques jours après le départ de St-Louis. Gauthier a joué tout au long du règne de Button.

«J'aurais dû savoir, Marty, j'aurais dû savoir...», lui a lancé Button.

«Oui, tu aurais dû savoir...», a rétorqué St-Louis, en le fixant de son regard perçant caractéristique.

Il n'y avait rien à ajouter.