Scott Cranham feuilletait le programme souvenir du jour près d'un kiosque, sous les gradins du Centre aquatique de Londres. Les derniers spectateurs avaient quitté l'enceinte après la finale du 3 mètres synchronisé. Plus bas, Alexandre Despatie venait de rencontrer les journalistes.

En me voyant, Cranham, directeur de la haute performance à Plongeon Canada, s'est enquis de la réaction de son plongeur étoile. «Très content de sa prestation personnelle», lui ai-je répondu.

Vraiment? Il t'a semblé sincère?

Absolument.

Cranham, qui a plongé pour le Canada aux Jeux olympiques de 1976, paraissait soulagé. C'était l'enjeu principal de cette première épreuve de Despatie à Londres: comment allait-il se sentir en général, et comment allait-il réagir au trois et demi renversé, le saut qui l'avait mené d'urgence à l'hôpital 50 jours plus tôt en Espagne?

«Je ne mentirai pas: je ne voulais vraiment pas, mais j'ai eu une petite pensée pour ce qui est arrivé en me dirigeant vers le bout du tremplin, a raconté Despatie. Sauf que j'ai tout de suite arrêté d'y penser. Ce qu'il ne fallait pas faire, c'était de se retenir. Et je ne l'ai pas fait.»

L'athlète de 27 ans a reçu deux notes de 8,5 et une de 8 pour l'exécution de ce plongeon délicat, le tout dernier de cette finale dominée par - qui d'autres? - les Chinois Qin Kai et Luo Yutong. La Russie et les États-Unis ont gagné respectivement l'argent et le bronze.

Despatie et son partenaire Reuben Ross ont pris la sixième place, un résultat cohérent avec le potentiel du duo canadien, dont la préparation a été plombée par les deux blessures du Québécois au cours de la dernière année et demie.

Avant les JO, Despatie et Ross ne se sont entraînés ensemble qu'une vingtaine de fois à peine, soit le tiers de ce qui avait été prévu. Avec comme conséquence que le tandem canadien a amorcé la finale avec la liste la plus facile des huit finalistes.

Pour tout ça, des six chances de médailles du plongeon canadien à Londres, celle au 3 m synchro masculin était la plus improbable. «On doit être contents de la performance qu'on a eue, parce que notre situation n'était clairement pas comme les autres», a jugé Despatie.

«Il y a plusieurs variables en plongeon, a souligné Cranham. Si on pense avoir une chance de podium comme celle-là, il y a probablement six ou sept pays qui pensent la même chose.»

En sortant de l'eau, Despatie s'est excusé auprès de Ross et l'a remercié de sa patience au cours des derniers mois. Nettement inférieur à son célèbre partenaire, Ross aurait aimé être davantage à la hauteur pour sa dernière compétition à vie. «Mes émotions sont partagées, a commenté le Saskatchewanais de 26 ans. J'aurais aimé réussir mes plongeons un peu mieux. Je sais que je le peux. C'était juste de petites erreurs à tous mes plongeons, ce qui aurait pu faire une différence.»

À quatre jours de son entrée en scène à l'épreuve individuelle, Despatie s'est rassuré. Il a admis que les dernières journées d'entraînement avaient été frustrantes et qu'il se sentait «un peu angoissé» avant la présentation des équipes.

«J'ai retrouvé quelque chose pendant l'épreuve, parce que là, je me sens bien, a noté le vice-champion olympique. J'étais juste bien sur le tremplin. Je me sentais bien à l'intérieur.»

Pour ses six plongeons, Despatie n'a reçu aucune note inférieure à 8,0. «Individuellement, ça a super bien été. C'est une grosse, grosse étape, je pense. Je me sentais bien, j'étais en contrôle de mes moyens.»

Les quatre prochains jours s'annoncent comme une bataille psychologique davantage que physique. Pleinement remis de sa commotion, Despatie a néanmoins révélé éprouver des ennuis avec son trois et demi renversé. «C'est une erreur technique, ça n'a rien à voir avec mon cerveau», a-t-il précisé. Il ne prévoit pas exécuter le quatre et demi avant en préliminaires et en demi-finale, préférant le réserver pour la finale.

Son entraîneur, Arturo Miranda, a retrouvé le battant qu'il connaît depuis une douzaine d'années. «Il a démontré qu'il voulait compétitionner, qu'il est concentré et qu'il veut faire ses plongeons. En espérant que ça va lui donner un peu de confiance.»

La table est mise. Peu importe les circonstances, Despatie vise une troisième médaille olympique. «Je n'ai pas d'excuses, je n'ai pas de béquilles», a-t-il assuré. «Ce sera à moi, mentalement, de me concentrer sur les bonnes choses. Non, je ne donnerais jamais d'excuses et je ne commencerai sûrement pas.»