Cela devait être le plus beau jour de sa vie, mais il se sentait comme pour le pire. Quand Brent Hayden s'est réveillé, à 6h hier matin, son coeur voulait sortir de sa poitrine. Il pensait à cette finale du 100 mètres qui l'attendait en soirée. Sa première en trois Jeux olympiques.

À Pékin, en 2008, il l'avait ratée pour avoir bêtement voulu ménager son énergie en prévision d'un relais. Il avait attendu quatre ans pour revivre ce moment. Et voilà qu'il était rongé par la nervosité. Sans compter ce dos, souci perpétuel, qui le faisait souffrir.

Quatorze heures plus tard, dans le couloir 7 de la piscine du Centre aquatique de Londres, Hayden a mis de longues secondes avant de réagir en regardant le tableau indicateur.

Myope, il n'était pas certain de voir un «3» ou un «8» à côté de son nom. «Je ne voulais pas m'exciter pour une huitième place et avoir l'air d'un idiot...»

Quand il a été bien sûr qu'il n'avait pas la berlue, il a fermé le poing droit et donné un formidable coup dans l'eau. Comme le point d'exclamation à une grande carrière.

Le nageur de Mission, en Colombie-Britannique, est devenu le premier Canadien à monter sur le podium olympique de l'épreuve reine de la natation en gagnant le bronze, hier.

Après avoir extirpé sa longue carcasse de l'eau, Hayden a pris une pause. Il s'est penché pour embrasser le bloc duquel il s'était envolé pour remporter la seule médaille qui manquait à sa collection: une médaille olympique.

«Mes jambes étaient trop fatiguées pour que je puisse me tenir debout, a-t-il raconté. Alors j'ai pris un petit moment pour penser à ce que je venais juste de faire et reprendre mes forces. Quand j'ai commencé à marcher, j'ai eu une forte envie d'embrasser le bloc. Je n'aurais jamais cru aimer le couloir 7 à ce point!»

Pour Hayden, spécialiste de la deuxième longueur, tout s'est joué au départ. Il savait qu'il devait partir vite pour se défaire de ses deux voisins de couloir et garder à distance raisonnable l'Américain Nathan Adrian et l'Australien James Magnussen, qui avaient l'avantage de nager au centre.

La stratégie a fonctionné à la perfection, et le Canadien s'est donné une avance d'une demi-longueur de corps à la ligne des 25 m. «Je savais qu'il avait cette vitesse, a dit son entraîneur Tom Johnson. Il ne l'avait pas utilisée en séries et en demi-finale, mais il l'avait montrée dans les échauffements. Il cachait bien son jeu.»

Deuxième au virage, derrière le Brésilien Cesar Cielo, Hayden était dans la lutte pour l'or jusqu'aux 85 mètres. Mais Adrian et Magnussen, surfant sur la même vague, se sont détachés.

En 47,52, l'Américain de 23 ans a touché le mur un centième avant le champion du monde australien pour offrir à son pays un premier titre olympique sur la distance depuis celui de Matt Biondi, en 1988.

Hayden, vice-champion du monde, a su résister au retour de Yannick Agnel, arrêtant le chrono à 47,80, quatre centièmes avant le nouveau dieu français du crawl.

Éternel négligé, Hayden confirme avec ce podium son statut de nageur le plus régulier sur 100 m depuis son titre mondial à Melbourne, en 2007. Johnson est persuadé que son talentueux poulain détiendrait le record mondial s'il avait nagé avec les combinaisons en polyuréthane, aujourd'hui bannies, aux Mondiaux de Rome en 2009. «On a sous-estimé l'effet de ces combinaisons, et ça lui a coûté le record», a affirmé Johnson.

Avec son crâne rasé et ses nombreux tatouages, Hayden a le look de l'emploi pour le 100 m libre. Mais l'athlète de 6'4, doyen de la finale, est doux comme un agneau et n'a pas une once de malice en lui.

«Il est un grand sportif et il adore compétitionner, a souligné Johnson. Plus l'enjeu est grand et plus l'opposition est relevée, meilleur il est.»

À mi-chemin du programme de natation à Londres, la médaille de Hayden arrive à point pour l'équipe canadienne, qui avait connu sa part de difficultés jusque-là.

Martha McCabe, un autre espoir de médaille, s'est qualifiée septième pour la finale d'aujourd'hui soir. Nageant dans la même vague de demi-finale, l'Américaine Rebbeca Soni (2: 20,00) a fait tomber le record mondial que détenait la Canadienne Annamay Pierse depuis 2009. Cette dernière ne s'est pas qualifiée pour les JO.

En finale du 200 m brasse masculin, le Japonais Kosuke Kitajima, quatrième, a échoué dans sa tentative de devenir le premier nageur à remporter le même titre individuel à trois JO. Le Hongrois Daniel Gyurta s'est imposé avec un record mondial de 2: 07,28.

En fin de soirée, Hayden est monté sur le podium pour recevoir sa médaille des mains du Montréalais Dick Pound, seul autre nageur canadien à avoir atteint la finale du 100 m libre, à Rome en 1960.

«Tu peux parfois rêver à des choses, et un million de fois sur un million et une, ça ne se réalise pas, a dit Hayden. Comme être humain, je suis très privilégié que ça me soit arrivé.»

Le quatuor canadien (7:50,65), formé des Montréalaises Barbara Jardin et Samantha Cheverton ainsi que des Ontariennes Amanda Reason et Brittney MacClean, a tenté une remontée en fin de course, sans toutefois être en mesure de rattraper les Françaises.

«J'ai complètement manqué mon départ. Mes jambes tremblaient et je suis restée trop longtemps sur le bloc, a commenté Jardin. Il y a eu un beaucoup de temps avant que le signal de départ soit donné. Ce n'est pas une excuse, car c'était la même chose pour tout le monde. Finir quatrième, c'est le meilleur classement jamais obtenu par le relais 4 x 200 m libre dans l'histoire, alors nous sommes très contentes.»  

«Nous sommes satisfaites du résultat. Nous n'avons pas de médaille, mais en même temps, nous sommes quatrièmes au monde», a conclu Jardin, qui compte bien poursuivre sa carrière au moins jusqu'en 2016.

La piscine olympique a également été le théâtre de deux records du monde, dont un réalisé dès la première finale, gracieuseté du Hongrois Daniel Gyurta.

Le nageur a réalisé un temps de 2:07,28 en finale du 200 m brasse pour décrocher la médaille d'or et briser la marque de 2:07,31 qui appartenait à Christian Sprenger. L'Australien avait réalisé ce chrono le 30 juillet 2009, à Rome, en Italie. Le Britannique Michael Jamieson (2:07;43) et le Japonais Ryo Tateishi (2:08,29) ont respectivement complété le podium.

Puis, lors des demi-finales du 200 m brasse chez les femmes, l'Américaine Rebacca Soni a réalisé un chrono de 2:20,00.

En finale du 200 m papillon chez les dames, c'est la Chinoise Liuyang Jiao qui a grimpé sur la plus haute marche du podium avec un temps de 2:04,06, réalisant du même coup un record olympique. Elle a ainsi abaissé la marque de 2:04,18 que sa compatriote Zige Liu avait réalisée aux Jeux de Pékin, en 2008.

L'Espagnole Mireia Belmonte Garcia (2:05,25) a remporté l'argent, devant la Natsumi Hoshi (2:05,48) du Japon.

Le Canada pourrait par ailleurs mettre la main sur d'autres médailles en natation puisque deux membres de la délégation se sont qualifiés pour des finales prévues jeudi.

Au 200 m brasse, la Canadienne Martha McCabe a terminé parmi les huit meilleures grâce à un chrono de 2:24,09 en demi-finale. Puis, au 200 m QNI chez les hommes, Andrew Ford s'est qualifié pour la finale avec un temps de 2:01,58.

Le parcours de certains de leurs compatriotes a cependant pris fin.

Au 100 m libre chez les femmes, l'Ontarienne Julia Wilkinson, avec un temps de 54,25 secondes, n'a pas été en mesure d'assurer sa place parmi les huit nageuses qui prendront part à la finale, jeudi.

Le Torontois Tobias Oriwol a connu un dénouement similaire au 200 m dos lors des demi-finales avec un temps de 1:58,74, ce qui s'est avéré insuffisant pour terminer parmi les huit premiers qui prendront part à la finale de jeudi.

- Avec Sportcom

Photo: Bernard Brault, La Presse

Les Canadiennes Barbara Jardin, Samantha Cheverton, Amanda Reason et Britanny MacLean ont terminé en quatrième place de la finale du 4 x 200 mètres style libre.