La polémique montait mardi à Londres à propos de la victoire spectaculaire de la jeune nageuse chinoise Ye Shiwen samedi sur le 400 m 4 nages des jeux Olympiques, succès qualifié de «suspect» par un entraîneur américain.

La performance stupéfiante de Ye Shiwen, 16 ans, devenue championne olympique du 400 m 4 nages en battant le record du monde en 4:28,43, rappelle «de très mauvais souvenirs», a affirmé John Leonard, directeur exécutif de l'Association internationale des entraîneurs de natation (World Swimming Coaches Association/WSCA).

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Dans un entretien publié mardi par The Guardian, Leonard n'accuse pas spécifiquement de dopage Ye Shiwen, qui a réalisé samedi un temps plus rapide de presque 7 secondes à celui qu'elle avait réussi en finale des Mondiaux-2011 à Shanghai (4:35,15) après un dernier 100 m (nage libre) ahurissant. Mais c'est tout comme...

«Il faut être très prudent avant de parler de dopage», affirme Leonard, qui est aussi le directeur exécutif de l'Association des entraîneurs américains de natation (USA Swimming Coaches Association).

«Ce que je dirais simplement, c'est que l'histoire de notre sport montre que chaque fois que nous assistons à quelque chose - et je mets ça entre guillemets - d'incroyable, il se révèle ensuite qu'il y avait dopage», souligne-t-il.

L'exemple Michelle Smith

«Le dernier 100 m (de Ye Shiwen) a rappelé à ceux qui ont vécu ça (les performances de) certains des anciens nageurs d'Allemagne de l'Est, a-t-il ajouté, citant aussi «le 400 m 4 nages d'une jeune Irlandaise à Atlanta», Michelle Smith.

Celle-ci avait remporté la même épreuve que Ye Shiwen aux JO d'Atlanta en 1996 avant d'être convaincue de dopage en 1998 et interdite de compétition pendant quatre ans. Elle avait décroché trois médailles à Atlanta.

«Chaque fois qu'une superwoman est apparue dans l'histoire de notre sport, elle a ensuite été convaincue de dopage», note également le «patron» de la WSCA, enfonçant encore un peu le clou.

Avant même d'être attaquée par Leonard, Ye Shiwen avait défendu sa performance. «Il n'y a pas de problème de dopage, l'équipe chinoise a une politique ferme», avait déclaré la jeune nageuse après sa course.

«Les athlètes chinois, y compris les nageurs, ont passé près de 100 tests antidopage depuis qu'ils sont arrivés à Londres, a pour sa part affirmé Jiang Zhixue, responsable de la lutte contre le dopage à l'administration générale du sport.

«Passif honteux»

«Il n'est pas approprié d'attaquer les nageurs chinois lorsqu'ils ont de bons résultats. Certaines personnes ont des partis pris, a-t-il dit à l'agence chinoise Xinhua. Nous n'avons jamais attaqué (le nageur américain) Michael Phelps lorsqu'il a remporté 8 médailles (d'or) à Pékin».

Le président de la commission médicale du Comité international olympique (CIO), Arne Ljungqvist, a lui aussi volé lundi au secours de la jeune Chinoise, assurant n'avoir aucune raison de douter de son exploit.

«Dans ce cas spécifique en natation, non, je n'ai personnellement pas de raison de ne pas applaudir à ce qui s'est passé», a déclaré le Suédois, qui est également vice-président de l'Agence mondiale antidopage (AMA).

«Soupçonner quelqu'un immédiatement d'avoir fait quelque chose parce que cette personne a réalisé une performance extraordinaire est triste pour le sport olympique», a-t-il estimé.

«Si pour chaque hausse soudaine de performance ou victoire-surprise il fallait suspecter a priori une tricherie, le sport serait en danger, cela briserait le charme», a insisté Arne Ljungqvist.

Compte tenu du lourd historique de la natation chinoise en matière de dopage, il n'est pas certain que M. Ljungqvist convainque John Leonard...

«La natation chinoise a un tel passif honteux concernant le dopage que tout résultat remarquable de l'un de ses athlètes est inévitablement accueilli avec cynisme», résumait mardi un autre quotidien britannique, The Daily Telegraph.