Les athlètes qui terminent leur compétition doivent obligatoirement y passer. Un petit couloir en direction des vestiaires où les attendent les caméras de la télévision et les enregistreuses des journalistes. Dans le jargon olympique, on l'appelle la zone mixte.

C'est ici, qu'à chaud, des Ouzbeks, des Argentins, des Canadiens viennent faire le bilan de quatre ans d'efforts. Quelques-uns arrivent le sourire aux lèvres : ils se sont surpassés, ont peut-être gagné une médaille, viennent de donner un sens à tous ces sacrifices. Puis il y a les autres. Nombreux.

Ceux qui ont perdu, ceux pour qui les Jeux s'arrêtent lors d'une vague ronde préliminaire, sur un vague sentiment d'échec. Il y a ceux qui passent en coup de vent et refusent de répondre aux questions, comme cet escrimeur roumain tout juste défait, qui a à peine regardé la journaliste qui faisait le pied de grue pour lui parler.

Il y a ceux qui ne peuvent retenir leurs larmes, comme le judoka montréalais Nicholas Tritton, hier, après une défaite à son premier combat : «J'ai consacré 18 ans de ma vie à ce sport. C'est une mauvaise façon de finir sa carrière.» Puis il y a ceux qui restent là, impassibles, inconsolables, qui n'ont même pas la force de pleurer, comme cette judoka venue d'Haïti. Son entraîneur tente d'en soutirer un mot. «Elle est déçue, elle ne sait pas quoi dire !»

C'est ici, dans ce boulevard des sanglots, que j'ai réalisé quelque chose de fondamental sur les Jeux olympiques : on y fait beaucoup plus de perdants que de gagnants.