Hugues Fournel avait les larmes aux yeux en se présentant devant les journalistes au terme de la finale du K2 200 mètres, samedi matin, à Eton Dorney. Le kayakiste de Lachine était amèrement déçu de sa septième place obtenue avec son partenaire Ryan Cochrane, mais il frissonnait à l'idée que son grand ami Mark de Jonge ait décroché le bronze en monoplace une heure plus tôt.

« C'est un exploit incroyable », a commenté Fournel, qui a passé presque « 24 heures sur 24 » avec son partenaire d'entraînement dans la dernière année. « C'est mon meilleur ami qui est maintenant devenu mon héros. J'ai tellement hâte de le voir. C'est fou, c'est fou ! »

Dominant depuis son arrivée à Londres, De Jonge avait de grandes ambitions pour sa finale en K1 200 m. L'imposant kayakiste de 28 n'a cependant pas connu le départ espéré, laissant filer le Britannique Ed McKeever, qui a offert une autre médaille d'or au pays hôte des Jeux olympiques de Londres.

De Jonge, un ingénieur de Halifax, a pris le troisième rang derrière l'Espagnol Saul Craviotto Rivero. Satisfait de sa médaille, même s'il visait l'or, le kayakiste de 28 ans aurait souhaité offrir une prestation davantage à la hauteur de ses aspirations. « J'ai senti de la fatigue dans la deuxième moitié de la course », a-t-il expliqué.

Sprinter pur, De Jonge croyait que sa carrière tirait vers la fin quand il a raté sa qualification pour les JO de Pékin. L'inclusion du 200 mètres dans le programme olympique l'a plutôt ravivée.

Il a cependant connu une peur au printemps quand il s'est fracturé le majeur de la main droite en s'échappant un haltère de 80 livres sur la main. « Je pensais que c'était cuit », a-t-il raconté.

La fédération canadienne a cependant accepté de modifier son processus de sélection pour l'accommoder. De Jonge a dû se qualifier dans le cadre d'un duel avec le vétéran québécois Richard Dober Jr. à la fin juin à Montréal. De Jonge avait alors réussi le meilleur temps de l'histoire sur la distance.

« Dober m'a forcé à repousser mes limites », a d'ailleurs raconté De Jonge avant de recevoir sa médaille. « Mais ici, c'était différent. Tous les meilleurs au monde étaient sur la ligne de départ. »

La médaille de De Jonge est la 18e du Canada à Londres, ce qui égale la moisson de Pékin. « Ah oui ? a réagi De Jonge. Une chance que je ne savais pas avant la course parce que ça m'aurait mis trop de pression... »

Ce podium est aussi celui de l'entraîneur Frédéric Jobin, qui pilote le nouveau programme de sprint canadien depuis 2010. Il avait auparavant mené le canoéiste Maxime Boilard vers une quatrième place à Sydney et Caroline Brunet jusqu'au bronze à Athènes.

« Celle-là a une saveur différente, a-t-il expliqué. Caroline était déjà à son top. Tout ce que je pouvais faire était peut-être qu'elle fasse moins bien. Mark, c'est un projet depuis le début. C'est différent. »

Fournel et Cochrane, duo lui aussi dirigé par Jobin, peinaient à contenir leur peine après leur septième place en finale. Depuis leur arrivée à Londres, ils n'ont pas réussi à retrouver le niveau qui leur a permis de monter sur le podium en Coupe du monde en Pologne au printemps.

« On est déçus parce qu'on est venus ici pour offrir notre meilleure performance, et notre meilleure performance, ce n'est pas septième », a jugé Fournel, 23 ans.

Après analyse de ses prestations de la veille, le tandem canadien a décidé de réduire la fréquence de ses coups de pagaie. Fidèles à leurs habitudes, Fournel et Cochrane ont connu un bon départ, mais ont pâti en deuxième moitié d'épreuve. Ils ont franchi la distance en 35,396 secondes, à 1,889 s. des gagnants, les Russes Yury Postrigay et Alexander Dyachenko.

Le vent de face qui soufflait n'était pas à leur avantage. « On est les gars les plus légers sur la ligne, a rappelé Fournel. Et on est vraiment des sprinters. Plus la course est courte, mieux c'est pour nous. Je ne cherche pas d'excuses, mais c'était pile ou face et ça n'a pas tourné pour nous. »

L'entraîneur Jobin ne croit pas que le vent ait joué un grand rôle dans la prestation de ses protégés : « On voyait qu'ils n'étaient pas à leur top. C'est triste, mais c'est comme ça. C'est difficile à expliquer. Mark est arrivé ici au sommet de sa forme. Il n'y a pas de raisons pour que ça ne leur soit pas arrivé pour eux aussi. »

Les trois courses de 1000 mètres auxquelles la paire canadienne a été obligée de se soumettre plus tôt cette semaine ont peut-être eu un impact, a jugé Jobin. Après un avertissement de la fédération internationale, Fournel et Cochrane ont dû en donner plus pour la finale B de mercredi.

Après cette première expérience olympique, Fournel et Cochrane en veulent plus. « Ce n'est pas fini, a promis le Québécois. Je veux prouver à tous et, encore plus à nous, qu'on est capables de devenir champions du monde. On repart d'ici avec un bagage rempli d'expériences et ça fera une grande différence dans les prochaines années. »