En 2008, Damian Warner jouait au basketball pour son école secondaire à London, en Ontario. À peine a-t-il regardé le 100 mètres des Jeux olympiques de Pékin à la télévision.

Un jour, ses entraîneurs ont eu la bonne idée de le faire sauter: hauteur, longueur, triple saut. Aux Championnats canadiens de 2009, il a découvert le décathlon. Il apprend vite, il aime les défis, il a aimé.

Le voilà quatre ans plus tard dans la zone mixte du Stade olympique de Londres. Non, Warner n'a pas gagné de médaille. Troisième au début de la journée, le jeune homme de 22 ans a conclu le décathlon au cinquième rang, jeudi soir. Il semblait surpris qu'un groupe de journalistes l'attendent. Il a fallu que le relationniste tape sur son épaule pour lui faire comprendre.

8442 points

«C'est une expérience fantastique, a dit Warner, heureux comme un enfant. Faire les Olympiques était déjà un grand but pour moi. Et là, je réalise mon meilleur score à vie. Je ne pouvais demander plus.»

Warner a obtenu 8442 points pour devenir le deuxième performeur canadien de tous les temps derrière l'ancien vice-champion du monde Michael Smith. Ironiquement, c'est le 110 mètres haies, son point fort, qui l'a probablement coulé en début de journée. Il a heurté une haie.

Warner a battu son record personnel dans cinq épreuves. Les Gramantik, entraîneur de Smith à l'époque, ne se souvenait pas d'une telle amélioration aux JO depuis... l'Américain Bruce Jenner avec ses neuf marques personnelles et une égalée à Montréal, en 1976.

«C'est très rare, unique», a dit Gramantik, qui a supervisé Warner à titre d'entraîneur des épreuves combinées à Londres. «C'est un super athlète, talentueux. On peut presque dire qu'une étoile est née, d'une façon très intéressante.»

L'état-major d'Athlétisme Canada voyait Warner dans sa soupe pour... Rio de Janeiro en 2016. L'an dernier, plusieurs tests et examens ont révélé l'étendue de son talent. «Dans notre tête, il avait un potentiel de médaille pour Rio», a expliqué le directeur technique Martin Goulet avant le début de la session de soirée.

Aux Mondiaux de Daegu, l'été dernier, Warner a pris le 18e rang avec 7832 points. Il dit s'être laissé impressionner par les vedettes comme les Américains Ashton Eaton et Trey Hardee, qui ont gagné l'or et l'argent. «Je regardais des vidéos d'eux sur YouTube et voilà qu'ils étaient là quand j'entrais dans une salle. Ils sont des compétiteurs comme les autres. Je suis habitué maintenant.»

Surpris d'avoir pu améliorer autant de marques personnelles? «Dans cet environnement, oui, mais de façon générale, je savais que je pouvais accumuler ces scores, a précisé Warner. Grand bien me fasse, j'ai réussi quand ça comptait.»

«Des habiletés incroyables»

Ça lui pesait un peu de le dire parce que Michael Smith est un grand ami, mais le coach Gramantik croit que Warner lui est supérieur à certains égards: «Il a des habiletés incroyables, sa vitesse est plus grande. Il n'a pas la grosseur, mais la majorité des décathloniens actuels ne sont plus de gros monstres. Ce sont des gars plus rapides, comme Eaton.»

Ralenti pour une douleur à une cuisse, Eaton n'a pas été en mesure de menacer son record mondial de 9039 points, établi cet été aux sélections américaines à Eugene. L'athlète de 24 ans a accumulé 8869 points pour facilement devancer son compatriote Trey Hardee (8671). Ce dernier, double champion du monde, revient d'une reconstruction complète du coude droit. Le Cubain Leonel Suarez a pris le bronze comme à Pékin.

Après avoir embrassé sa fiancée, l'heptathlonienne canadienne Brianne Theisen, qui pleurait à chaudes larmes dans les gradins, Eaton s'est joint à ses 12 collègues décathloniens pour le traditionnel tour d'honneur. Moins divertissant que les pitreries d'Usain Bolt, mais ce fut le plus beau moment de camaraderie sportive de la soirée.