Alors, Taoufik, comment va ton genou?

Le champion olympique a fait un immense sourire. Mais il ne fallait pas trop déconner. Makhloufi est passé à un poil de genou d'être expulsé des Jeux olympiques, lundi, pour avoir simulé une blessure.

«Vous savez, quand vous gagnez, vous ne sentez plus la douleur», a dit l'Algérien.

Taoufik Makhloufi était inscrit au 800 m, son ancienne spécialité, mais ne voulait pas le courir pour rester frais en vue du 1500 m. Le hic, c'est que sa fédération avait raté le délai pour le retirer. Contraint à prendre part aux qualifs lundi, il a couru très lentement et s'est arrêté tout net en plein milieu de la course. Ouille, ouch, aille, mon genou!

Verdict renversé

Ton genou, hein, mon oeil, ont dit les juges. On l'a disqualifié pour manque d'esprit sportif. Verdict rapidement renversé après un examen médical du genou en question.

Il pouvait courir le 1500 m.

Et quelle course! C'est fou les progrès de la médecine sportive, mesdames et messieurs. «Dieu l'a voulu, hier j'étais out, aujourd'hui j'étais là.»

On n'enlève rien à l'homme au genou béni, qui a couru un dernier tour à un train fou (les 200 derniers mètres en 25 secondes) et a distancé tout le monde (3:34,08 au final).

Mais depuis 20 ans que les grands coureurs du Maghreb et ceux du Kenya se disputent la suprématie du 1500 m, on n'avait jamais vu les Kenyans s'effondrer aussi péniblement. Pire résultat kenyan depuis 30 ans: 7e, 11e, 12e.

Le Kenya alignait pourtant les trois seuls coureurs sur 12 Ă  avoir couru sous 3: 30. Trois capables d'Ă©craser tout le reste, en principe. Ils visaient un record olympique.

Mais voilà, le champion de Pékin, Asbel Kiprop, se relève d'une blessure. Tout s'est passé comme si les deux autres avaient voulu contrôler le tempo pour lui permettre de finir fort.

Résultat: une course «lente» qu'ils ont échappée totalement. Est même sorti du fond du peloton l'Américain Leonel Manzano, totale surprise.

«J'étais en arrière, 10e, et je ne trouvais pas du tout que c'était lent! Mais depuis l'école, je me suis toujours distingué par mon kick en fin de course.» Et quelle poussée en effet. Le Marocain Abdalaati Iguider, cinquième à Pékin, a complété le podium. Pendant qu'ils célébraient cette «grande victoire pour le monde arabe», les journalistes kenyans n'en croyaient pas leurs yeux. Le grand Kiprop est passé tout sourire dans la zone mixte, tout léger. Mais après la déconvenue du 10 000 m, les mines étaient longues dans l'équipe.

La fierté mexicaine

Manzano s'est promené avec les drapeaux américain et mexicain. «Les gens regardent souvent les Mexicains avec mépris aux États-Unis, j'espère que ça peut leur donner de la fierté.» Je lui demande qui était son modèle comme coureur. Il n'en a pas: «La course, depuis que je suis tout jeune, c'est mon moyen de m'évader quand ça va mal. J'aime courir, c'est tout. Chez nous, on ne parlait pas d'athlétisme, on n'avait pas les moyens d'acheter des souliers de course, je faisais ça seul.»

Son kick légendaire lui a permis d'être le premier de la famille à se rendre à l'Université (Austin). Et hier de remporter une tout aussi improbable médaille d'argent.