Arno Genest, 13 mois, commençait à chigner au deuxième balcon du Stade olympique de Londres, hier après-midi. La sieste de 14 h approchait, mais ce n'était pas le temps de faire dodo: Alex, son père, s'apprêtait à entrer en piste pour la troisième vague du premier tour du 3000 mètres steeple. «Run Daddy Run», disait le petit t-shirt blanc dessiné par sa tante.

Suce, biberon, biscuits, rien n'y faisait. Marie-Christine Côté, sa mère, a finalement compris au moment où l'officiel invitait les 13 partants à s'approcher de la ligne: urgence de couche. Elle n'a fait ni une ni deux et Arno s'est retrouvé le dos sur les marches de ciment pour un changement éclair.

À la présentation des coureurs, Genest était au côté du Kényan Ezekiel Kemboi, double champion mondial et champion olympique en 2004. Le coureur de Lac-aux-Sables, en Mauricie, a pris le temps de regarder les 80 000 spectateurs fébriles, passionnés pour le saut en hauteur de l'heptathlon. Éruption monstre quand Jessica Ennis, leur enfant chéri, a passé une barre avec succès.

Genest, 26 ans, savourait le moment. Après plus de 10 ans d'entraînement, une sélection ratée pour Pékin, il était enfin là, lui, le petit garçon de Lac-aux-Sables, à ses premiers Jeux olympiques, avec les meilleurs Africains, dans une discipline à peu près inconnue au Canada. Il lui restait à courir comme il s'en sentait capable.

Peu après le coup de fusil, Genest s'est installé à l'arrière du peloton. Ça jouait du coude et les places se défendaient chèrement. Le Québécois ne s'en est pas laissé imposer comme ça lui était arrivé aux Mondiaux de Daegu, l'été dernier. À mi-chemin de l'épreuve, alors qu'il passait devant nous, il a donné une bonne poussée dans le dos de Kemboi.

Il a commencé à remonter: neuvième, huitième, septième, sixième... La finale paraissait possible. «Go, Alex!», a crié Marie-Christine, qui jusque-là s'était contenue.

L'avant-dernière rivière a été plus hasardeuse. Puis, Genest a été un peu emboîté avant de franchir la haie de la dernière ligne droite.

Il s'est arraché jusqu'à la ligne, mais ça n'a pas passé. Il a fini septième de sa vague alors que seuls les quatre premiers accédaient directement à la finale. Pendant que Kemboi, deuxième, joggait jusqu'au vestiaire, Genest a attendu que les résultats soient affichés au tableau indicateur. Son temps de 8:22,62 ne lui permettait pas d'être parmi les trois repêchés. Il lui manquait 53 centièmes.

Meilleur temps

Déçu? Pas une miette. Genest exultait quand il s'est présenté devant les journalistes, quelques instants plus tard.

«Wow! Je ne pourrais pas être plus content, s'est-il exclamé. C'est extraordinaire, ce qui vient d'arriver! Je rate la finale par deux positions. J'ai tout donné. Il n'y avait plus rien. J'ai essayé jusqu'à la fin et ça y était presque. Je ne peux pas être déçu parce que j'étais dans le peloton jusqu'au dernier tour. Le plus gros de la performance, c'était ça, en fait.»

Genest était surtout heureux d'avoir réussi son meilleur temps de la saison, son deuxième à vie. La veille, Martin Goulet, chef de la direction technique d'Athlétisme Canada, soulignait que la réalisation d'un record personnel ou saisonnier aux JO était un critère d'évaluation très important pour l'organisation. «Dix à 20 pour cent des athlètes réussissent, et c'est plus près de 10 que de 20», a-t-il dit.

Ce succès confirme à Genest le bien-fondé de sa décision de déménager à Guelph pour se joindre au groupe de l'entraîneur Dave Scott-Thomas, il y a trois ans. «Je m'aperçois que ce que je fais fonctionne. Il y a peut-être des petites choses qui vont changer, mais c'est normal. Ça fait partie du développement.»

Arno n'a rien vu. Papa lui racontera ce steeple de bonheur.

Photo Simon Drouin, La Presse

La conjointe d'Alex Genest, Marie-Christine Côté, et leur fils Arno.