Alex Genest avait satisfait à tous les standards de qualification pour les Jeux olympiques de Londres. Il ne lui restait plus qu'à terminer parmi les trois premiers du 3000 mètres steeple aux sélections de Calgary, demain, jour de son 26e anniversaire.

Presque trop facile, s'est dit le talentueux coureur, qui a connu sa part de difficultés lors du cycle olympique précédent [blessures, surentraînement]. Il avait raison de se méfier.

Tout a failli basculer il y a deux semaines à Indianapolis. Genest terminait son footing matinal en prévision de sa dernière course préparatoire avant les sélections. Arrêté à un feu de circulation, il joggait en petits cercles pour compléter sa séance de 15 minutes. Il n'a pas vu l'interstice entre deux plaques de trottoir. Son pied gauche s'y est coincé et il s'est affalé. La douleur est apparue presque instantanément.

Sur le coin d'une rue, le visage imprimé sur le trottoir, la cheville tordue, la question a surgi: «Est-ce là que ça vient de se terminer?»

Deux semaines plus tard, attablé devant une salade pour le dîner, Genest raconte l'histoire en riant de sa malchance. «Je freakais tellement la semaine dernière que j'ai décidé d'arrêter de m'en faire et d'avoir du plaisir en arrivant ici», a-t-il expliqué.

Assise devant lui, Marie-Christine n'a qu'à opiner pour confirmer l'état de panique dans lequel son chum se trouvait quand il est rentré à la maison de Guelph avec son pied enflé et coloré. Arno, 11 mois, ne sait pas qu'il l'a échappé belle. «J'étais tellement dans tous mes états que j'ai failli l'oublier près de l'escalier...», a lâché Genest, jetant un coup d'oeil à son fils, qui tétait son biberon en se tortillant dans sa chaise haute.

Le niveau de stress a augmenté d'un cran quand la physiothérapeute a craint une fracture. Heureusement, les radiographies ont indiqué le contraire. «J'ai été chanceux et il fallait juste que je sois intelligent pour la suite des choses», a dit l'athlète de Lac-aux-Sables, en Mauricie.

Pendant une semaine complète, il s'est limité au vélo stationnaire et à la course en piscine, une recette éprouvée après une entorse de la cheville subie en 2003.

Il a remis les pointes vendredi dernier et a franchi ses premières haies en début de semaine. «C'est un retour très prématuré; ma cheville n'est pas à 100% présentement, mais elle va tenir le coup», a assuré celui qui a fini 26e aux Mondiaux de Daegu l'été dernier. «Le délai est tellement court! J'ai fait le maximum avec le temps que j'avais.»

Seul Canadien détenant le standard A qui donne accès aux JO de Londres, Genest visera simplement le podium demain. «Il ne faut pas que je gagne, s'est répété le double champion national, dont la dernière course remonte au 10 mai. J'ai juste besoin d'être intelligent et de faire une course tactique et ça va se passer.»

Morale de l'histoire? «Il n'y a jamais rien de facile dans la vie. Ça fait juste me prouver qu'il n'y a pas de place pour la complaisance.»