C'est peut-être l'image qui a le plus frappé le Québec lors des derniers Jeux olympiques d'été. Karine Sergerie debout sur la deuxième marche du podium, les yeux rougis par le chagrin. Triste comme les pierres de ne pas avoir remporté l'or.

Quatre ans plus tard, la première Canadienne médaillée d'argent en taekwondo part pour Londres dans un autre état d'esprit. Elle espère toujours gagner, bien sûr, mais pas au détriment de tout. L'athlète de 27 ans veut d'abord profiter de ces Jeux qui sont peut-être ses derniers.

«Pour moi, c'est important d'avoir le temps de décompresser, de prendre du recul. Mais à Pékin, je n'ai pas eu le temps de le faire. J'étais juste pleine d'émotions, très frustrée, a-t-elle raconté dans une récente entrevue. Je suis montée sur le podium et j'avais juste le goût de pleurer. Je n'ai pas eu le temps de me dire: Voyons, Karine, une médaille d'argent, c'est incroyable!»

Les Jeux de Pékin se sont finis sur cette note pour elle. Elle les a quittés en se disant qu'elle n'en avait pas profité une seule seconde. Un seul mot lui venait à l'esprit pour décrire son passage en Chine: «stress». «Je suis une personne très anxieuse. Du genre à ne pas dormir avant une compétition», dit-elle.

En rentrant de Pékin, Sergerie a voulu tourner la page et regarder vers l'avenir. Elle a quitté Montréal pour Québec afin de rejoindre son entraîneur, Alain Bernier. Mais elle a connu une olympiade difficile, marquée par une opération à la hanche - «ça me fait encore mal, de plus en plus, mais ça fait partie du sport, il y a des sacrifices à faire» - et des ennuis de santé qu'elle préfère ne pas détailler. Résultat? Ses performances s'en sont ressenties.

Aux derniers Championnats du monde, Sergerie a quand même fini troisième. Un résultat encourageant avant Londres où elle vise un podium. «Il faut que ce soit un podium, c'est clair! Sinon, je serais vraiment déçue», tranche-t-elle.

Mais podium ou pas, Sergerie tient surtout à ne pas revivre l'épisode chinois et travaille avec un psychologue sportif. «C'est important d'arriver calme là-bas. Quand le stress commence à s'emparer de moi, je deviens très anxieuse et c'est déplaisant. Je ne suis pas capable de profiter du moment présent, confie-t-elle. Là, ce que je travaille avec mon psychologue sportif, c'est de vivre dans le moment présent et de donner tout ce que j'ai à donner.»

La tâche est difficile pour une athlète de haut niveau, habituée à chercher la victoire plus que tout. «C'est une fille qui va tout faire pour gagner. Si, dans un match, elle tire de l'arrière, elle va vite monter en deuxième vitesse», note Alain Bernier.

L'intensité est l'une des forces de Sergerie, qui est aussi une athlète naturelle. «Sur le plan physique, c'est une bombe, lance son entraîneur. Elle a de superbes qualités musculaires, elle est explosive, intense. Sur le plan tactique, elle est solide aussi, elle a beaucoup d'expérience.»

Le jour où nous l'avons rencontrée, Sergerie venait de passer deux heures à se faire mitrailler par le photographe d'un journal de Québec. «Des photos avec mes chats!», dit Sergerie en souriant. Elle adore les animaux et aimerait travailler avec eux quand sa carrière d'athlète sera derrière elle.

Quand ce jour viendra, Karine Sergerie ne veut pas avoir de regrets. Et plus que celui de ne jamais avoir gagné une médaille d'or, elle redoute de finir sa carrière sans bons souvenirs des Jeux olympiques. Carpe diem n'est pas la devise de Pierre de Coubertin. Mais pour Sergerie, c'est la meilleure des devises olympiques.