La course la plus sale de l'histoire. C'est ainsi que Richard Moore, journaliste sportif britannique, qualifie l'affrontement historique entre Ben Johnson et Carl Lewis aux Jeux olympiques de Séoul, en 1988.

Le livre de M. Moore, The Dirtiest Race in History, est paru juste avant ceux de Londres. Il y décrit évidemment les nombreuses allégations à propos de cette course, mais aussi l'intense concurrence que livrait le clan Lewis à ceux qui menaçaient sa suprématie sur le 100 mètres, ainsi que la laborieuse évolution de la politique antidopage du CIO.

«J'ai eu l'idée du livre en discutant avec des amis durant les Jeux de Pékin», explique M. Moore, joint à Londres où il couvre les compétitions. «Je me suis rappelé l'excitation qui m'habitait, adolescent, quand j'ai découvert Lewis aux Jeux de 1984, puis Ben Johnson à partir de 1986. Sa victoire en 1988 avait été saisissante, tout comme sa déchéance quand il a échoué à un contrôle antidopage quelques jours après. J'avais tout suivi ça depuis la résidence d'été de ma famille en Écosse, à la télé.»

Le journaliste britannique n'en est pas à sa première controverse. Il a notamment fait le portrait de Robert Millar, un cycliste écossais ayant connu de modestes succès dans les années 80, avant de disparaître de la circulation et de changer de sexe. Il s'est aussi penché sur la rivalité entre l'Américain Greg LeMond et le Français Bernard Hinault pendant le Tour de France de 1986, alors qu'ils faisaient partie de la même équipe.

Au fil d'une trentaine d'entrevues (Carl Lewis a refusé d'en accorder une), Richard Moore montre bien que Lewis a pris les grands moyens pour mettre Johnson en échec. Il indique notamment que pendant une compétition en Californie en 1987, le clan Lewis a annulé la chambre d'hôtel de Johnson pour le déstabiliser. Il s'est aussi arrangé pour qu'un allié se faufile dans la salle où Johnson attendait de faire son contrôle antidopage, après sa victoire à Séoul. Depuis, Johnson a plusieurs fois affirmé que cet intrus a glissé à son insu la drogue fatale dans la bière de la victoire.

Qu'en pense M. Moore? «On peut trouver injuste que Ben Johnson ait perdu tous ses titres, alors que six de ses concurrents à Séoul ont fini par être impliqués dans des affaires de dopage. Mais il reste qu'il est le principal artisan de son malheur. Il a par la suite eu des tests positifs deux autres fois.»

Que reste-t-il de Johnson? «Le 100 mètres est à mon avis la compétition la plus importante des Jeux, dit M. Moore. Après Séoul, tout a basculé. Quand on voit un nouveau record, on pense immédiatement à un cas de dopage. Mais il reste que Johnson avait un départ incomparable, il se mettait très vite à sprinter. Peut-être plus vite que n'importe quel autre coureur de tous les temps.»