Les plongeurs le répètent toujours: leur sport en est un «de la journée». Pour Alexandre Despatie, vendredi dernier n'était vraiment pas une bonne journée. Découragé de sa session d'entraînement, il a envoyé un message rageur qui a mis sa mère Christiane dans tous ses états.

À trois jours des préliminaires du 3 mètres individuel (aujourd'hui à 14h, HNE), le vice-champion olympique se serait bien passé de cette mauvaise journée au Centre aquatique de Londres. Anouk Despatie a senti que le moment était venu de jouer son rôle de soeur aînée. Avant de se coucher, elle a envoyé ce mot tout simple à son petit frère: «Je t'aime, bonne nuit, demain est un autre jour».

Pour la première fois depuis Sydney, en 2000, Anouk accompagne ses parents aux Jeux olympiques. «Pour moi, Alexandre, c'est mon frère», disait-elle comme une évidence, hier midi, à la Maison du Canada à Trafalgar Square.

Ça n'a pas toujours été si simple. Le jour où son frère cadet est devenu une vedette instantanée en remportant l'or aux Jeux du Commonwealth à l'âge de 13 ans, en 1998, Anouk est devenue la «soeur de».

Pendant que les journalistes envahissaient la résidence familiale à Laval, elle s'est réfugiée dans la chambre de ses parents à l'étage. Sa mère l'a retrouvée roulée en boule: «Maman, pourquoi vous ne m'avez pas faite bonne comme Alexandre?» a-t-elle demandé entre deux sanglots.

«Ma mère m'avait dit: «C'est toi qui es chanceuse, c'est toi qui as une vie normale»», raconte Anouk.

Allez faire comprendre cela à une adolescente de 15 ans qui voulait elle aussi sortir de l'ordinaire et être au centre de l'attention. Dans son entourage et à l'école, une question revenait inévitablement: «Pis, ton frère?»

Thérapie

Elle a consulté, fait une thérapie. Elle a mis cinq ans à accepter la situation. «Mes parents faisaient tout pour me faire sentir que j'avais ma place, mais ce n'était pas évident, dit la femme de 29 ans. En quelque part, j'étais jalouse.»

Petit à petit, Anouk a appris à composer avec la célébrité de son frère. Elle a complété un baccalauréat à l'Université de Montréal, s'est mise à travailler pour l'entreprise de ses parents. Aujourd'hui, elle est représentante au Québec pour les maillots de bain Nike... concurrents des Speedo de frérot.

«J'ai commencé à comprendre qu'il faisait ses choses, que je faisais les miennes, explique-t-elle. Alexandre (elle ne l'appelle jamais «Alex») est fier de moi et des choses que j'accomplis. Et moi, je suis fière de lui. On sait qu'on peut compter l'un sur l'autre. Il apprécie beaucoup mon calme.»

Au lendemain de sa journée difficile, Alexandre a retrouvé les membres de sa famille pour un café au Westfield Mall, près du parc olympique.

Il était accompagné de deux amis plongeurs, l'Italien Michele Benedetti et l'Espagnol Javier Illana. Ils ont parlé de tout et de rien, des filles au village des athlètes. Alexandre a demandé qu'on prenne une photo de famille. «De Jeux en Jeux, on dirait qu'il a de plus en plus besoin de nous sentir proches», constate sa mère Christiane.

Anouk dit qu'elle a confiance pour Londres. «J'ai toujours confiance, précise-t-elle. Il a une espèce de tête forte qui me donne tout le temps confiance.»

N'empêche, quand ils se sont quittés au Westfield, Javier Illana lui a glissé à l'oreille: «Continue à envoyer des textos.»