La délégation haïtienne à Londres est minuscule. Elle entrerait même tout entière dans une voiture. Ses chances de médailles? Nulles. Mais pour le pays ravagé par un tremblement de terre meurtrier il y a deux ans, être cet été aux Jeux olympiques a valeur de symbole.

Les Jeux olympiques de Linouse Desravines, porte-drapeau d'Haïti, n'auront duré que deux minutes et 10 secondes. À son premier combat, une judoka mongole a saisi le revers de son judogi et l'a renversée d'un coup sec. Desravines a terminé sur le tapis, éliminée.

«Je suis triste, déçue», s'est contenté de dire l'athlète après sa sortie rapide. La tête basse, elle semblait pétrifiée. À ses côtés, son entraîneur lui tenait les épaules comme pour la consoler. Comme elle était classée 51e mondiale, personne ne croyait en ses chances. «Mais elle pensait pouvoir gagner une médaille pour Haïti», a murmuré l'entraîneur.

Linouse Desravines, native de Limonade, dans le nord du pays, fait partie des cinq athlètes haïtiens qualifiés pour les Jeux de Londres. Une délégation plus petite que celle à Pékin, quatre ans plus tôt, qui en comptait huit. Mais une victoire pour le pays durement frappé en janvier 2010 par un séisme qui a fait plus de 300 000 morts et 1 million de sans-abris.

«Qu'Haïti soit présent aux Jeux était important pour nous. C'est symbolique», explique à La Presse le premier ministre Laurent Lamothe, qui était en tribune pour assister au combat de la judoka. «Ça montre qu'Haïti commence à se remettre du séisme, de la catastrophe, de la tragédie. On est ici pour montrer qu'on commence à se mettre debout.»

Le séisme n'a épargné ni les athlètes ni les infrastructures sportives. Trois des cinq pistes d'athlétisme du pays sont encore utilisées pour loger des sans-abri. Une coéquipière de Desravines a perdu son père dans le séisme: démoralisée, la judoka Ange Jean-Baptiste, qui était à Pékin, n'a pas su se qualifier pour Londres.

«Ç'a été très difficile de qualifier des athlètes pour Londres, mais on y est arrivé», admet le premier ministre Lamothe.

Desravines est la preuve vivante de cette difficulté. Elle est la seule des porte-couleurs d'Haïti qui vive encore dans l'île. Les quatre autres, tous qualifiés en athlétisme, habitent les États-Unis et font partie d'équipes universitaires. Privé de moyens, privé des millions nécessaires pour façonner des athlètes d'élite, le gouvernement a dû recourir à la diaspora.

«Avec le niveau de vie actuel en Haïti, c'est très difficile d'avoir un niveau de préparation élevé pour les athlètes, a expliqué le chef de mission de la délégation haïtienne, Fritz-Gérald Fong. C'est une réalité malheureuse: nous manquons d'infrastructures, nous manquons d'entraîneurs, nous manquons d'encadrement technique et le séisme n'a pas aidé en détruisant toutes les infrastructures sportives.»

Parmi les expatriés qui représentent Haïti à Londres se trouve l'ancien colocataire de Mark Zuckerberg. Né aux États-Unis de parents haïtiens, Samyr Laine est même le 14e membre à vie de Facebook. Cet expert du triple saut a partagé une chambre avec le jeune entrepreneur à sa première année d'université, à Harvard. Aujourd'hui diplômé en droit, il a créé une fondation pour venir en aide à Haïti.

«Le budget total du comité olympique haïtien est de 400 000dollars, a affirmé M. Laine à Reuters. Celui du comité olympique américain est de 170 millions!»

«Les gens ne se rendent pas compte, mais ça coûte très cher d'envoyer des athlètes aux Jeux, surtout que pour nous, un billet d'avion coûte 2000, 3000 dollars, dit M. Fong. Il faut voyager pour les tournois, pour les camps d'entraînement. C'est impossible.»

Plusieurs comités olympiques «amis» - dont celui du Mexique, de la France, des États-Unis - sont venus en aide aux athlètes haïtiens en les accueillant gratuitement lors de camps d'entraînement.

Malgré ce manque de moyens, les athlètes haïtiens croient vraiment en leurs chances, comme l'atteste le chagrin de Linouse Desravines. Mais à voir la petite troupe aux couleurs d'Haïti déambuler aux côtés de ces athlètes chinois, américains ou australiens pris en charge à coups de millions par l'État, on se dit que les résultats importent peu.

«Nous sommes un petit groupe et nous sommes tous très proches, note Samyr Laine. C'est très émotionnel.»