Il avait beau s'y attendre, le kayakiste Hugues Fournel a vécu un grand moment quand, en ouvrant son ordinateur à l'occasion d'une courte correspondance à l'aéroport de Munich, lundi, il a reçu la confirmation de sa qualification pour les Jeux olympiques de Londres.

Dans le vol qui le ramenait à Montréal, Fournel a eu sept heures pour y réfléchir. Seul, la fatigue aidant, l'athlète de 23 ans s'est laissé gagner par les émotions.

«J'étais entouré de parfaits étrangers et, bizarrement, c'est là que je suis devenu émotif. Je me suis mis une couverture sur la tête pour rester dans ma bulle...»

Il a pensé à sa mère, Guylaine St-Georges, une ancienne kayakiste de pointe. À son père Jean, qui a participé aux Jeux olympiques de Montréal dans le K4 avant de mourir d'une leucémie quand Hugues avait huit ans. Et à sa soeur Émilie, dont la présence aux derniers JO de Pékin a été une véritable inspiration pour son frère cadet.

«Pour moi, les Jeux olympiques, c'est immense», a résumé Hugues Fournel lors d'une entrevue téléphonique, mardi.

Fournel et son partenaire néo-écossais Ryan Cochrane ont assuré leur sélection en K2 200 mètres lors des deux premières Coupes du monde de la saison, en Pologne et en Allemagne. Ils ont eu le meilleur sur leurs compatriotes Richard Dober Jr et Steve Jorens, spécialistes du 1000 mètres. Ces derniers n'ont pu faire mieux qu'une huitième place lors de la finale de samedi à Duisbourg.

Auteurs du premier podium de leur carrière six jours plus tôt à Poznan, Fournel et Cochrane ont alors compris que la porte venait de s'ouvrir. «On s'est assis avec notre entraîneur (Frédéric Jobin) et on s'est dit: on se calme, on a quand même une course à faire, on est ici pour gagner.» Le lendemain, le duo canadien a pris le cinquième rang de la finale.

Fournel admet que les derniers mots ont amené leur lot de «petites tensions» entre les deux bateaux canadiens. Il y a forcément la rivalité sportive, mais aussi un grand respect entre coéquipiers. Dober Jr est une idole de jeunesse et Jorens est son colocataire depuis deux ans lors des stages hivernaux en Floride. «Les deux bateaux méritent d'aller aux Jeux. C'est vraiment plate pour eux que ça n'ait pas marché.»

Seulement, les nouvelles règles de sélection sont plus restrictives à l'échelle internationale. L'équipe canadienne, menée par le champion du monde Adam Van Koeverden, sera limitée à un maximum de sept pagayeurs à Londres, comparativement à 18 à Pékin.

Heureusement pour Dober Jr, sixième au K2 500 m en 2008, il aura une occasion ultime de se qualifier en K1 lors des deuxièmes essais de l'équipe nationale, les 23 et 24 juin, au bassin de l'île Notre-Dame.

Quant à Émilie Fournel, septième en K1 500 m en Pologne, elle espère toujours recevoir une invitation au moment de l'octroi final des quotas pour chaque pays, à la mi-juin.

Hugues se croise les doigts. Sans la participation de sa soeur aux JO de Pékin, il ne serait pas en train de réaliser un rêve, qui, il n'y a pas si longtemps, lui semblait «aussi difficile à atteindre que celui d'envoyer un homme sur la lune»...

«Ceux qui me connaissent bien dans le monde du canoë-kayak savent que je n'étais pas nécessairement le plus assidu, a-t-il candidement reconnu. Je faisais d'autres choses, je m'en foutais un peu. Voir ma soeur aux Jeux en 2008 m'a vraiment touché, motivé. Juste de la voir travailler aussi fort, je me suis dit: "C'est à mon tour, si elle est capable, je suis capable". J'y ai mis tous les efforts et j'ai profité de son aide, de son expérience. J'en reviens pas, on est rendus là!»