Martin Brodeur se souvient très bien de 1994-1995. Il se souvient du lock-out de cette saison-là, des chicanes entre joueurs et propriétaires, et puis du retour à la normale, qui avait mené à une saison de 48 matchs.

Il se souvient de tout ça, et ça tombe drôlement bien. Parce que si le présent lock-out finit par se régler (ce qui est loin d'être une certitude), c'est le scénario de 1994-1995 qui va se répéter, avec une saison d'une cinquantaine de matchs qui commencerait à la hâte, en janvier.

Et le principal intéressé n'a aucun problème avec ça. «Je me souviens surtout qu'en 1995, on avait gagné la Coupe Stanley!, rappelle le gardien des Devils, au bout du fil. Une saison de 48 matchs, ça avait provoqué bien des commentaires à l'époque. Certains aimaient ça, d'autres pas. Je me souviens que cette saison-là, c'était comme des longues séries; on ne pouvait pas vraiment relaxer, prendre congé pendant une couple de matchs. Chaque rencontre était importante. Une saison de 48 matchs, c'est comme des séries qui durent cinq mois.»

Brodeur se souvient aussi d'un style de hockey palpitant, de joueurs qui étaient en forme malgré la longue période de repos forcé.

«Se demander si les joueurs seront en forme au retour, ce n'est même pas une question que les gens devraient se poser, estime le vétéran gardien. Les gars étaient en forme en 1995 quand on a recommencé, et aujourd'hui, les joueurs sont mieux entraînés qu'il y a 20 ans. Ils vont au gym six fois par semaine, ce sont des machines. Il y a plein de gars qui jouent en Europe. La forme, ce ne sera pas un problème.

«En même temps, pour les gars qui ne jouent pas depuis avril, ça va peut-être prendre quelques matchs pour retrouver le rythme. Peut-être une dizaine. Mais le calibre de jeu va être fort quand on va recommencer. Les gars ont tellement hâte de revenir, on va avoir du bon hockey.»

On se tient prêt

Autre détail à ne pas négliger, selon le gardien québécois: dans la LNH, on se tient prêt. Comprendre par là qu'un peu tout le monde, des joueurs aux entraîneurs, n'attend que le signal pour reprendre le collier.

«Au New Jersey, nos entraîneurs se présentent chaque matin à l'aréna. On est peut-être naïfs, mais tout le monde croit qu'il va y avoir une saison. Les entraîneurs des Devils, les joueurs, on est prêts à recommencer très rapidement. On va avoir de 7 à 10 jours pour se préparer si ça se règle. C'est pas long. Si je me souviens bien, en 1995, on avait eu le temps de jouer un ou deux matchs de calendrier préparatoire.»

Brodeur ne voit pas comment l'absence d'un «vrai» camp d'entraînement pourrait nuire aux équipes de la Ligue nationale. «C'est sûr que ça va être un défi pour les clubs qui ont beaucoup de nouveaux joueurs. Mais pour notre équipe, il n'y aura pas de période d'adaptation. Honnêtement, pendant un camp d'entraînement normal, je pense que je participe à deux matchs en trois semaines...»

Et que dire à ceux qui prétendent qu'un calendrier d'une cinquantaine de matchs n'est pas tout à fait légitime? Ceux qui disent qu'une Coupe Stanley gagnée dans ces conditions est une Coupe un peu moins prestigieuse que les autres?

Martin Brodeur s'en balance un peu. «Cette critique-là, on l'a entendue souvent quand on a gagné la Coupe Stanley en 1995. C'est pour ça que j'étais bien content de gagner la Coupe de nouveau en 2000, juste pour prouver qu'on pouvait aussi gagner dans une saison normale... Mais dans un calendrier de 48 matchs, tout le monde part au même point. Tout le monde dispute le même nombre de matchs. Le format des séries est le même que d'habitude. Ça n'enlève rien à ce que t'as pu accomplir, et ça t'enlève pas non plus ta bague de la Coupe Stanley.»

Mais Brodeur reconnaît que ça risque d'être un peu plus dur pour lui cette fois-ci. Après tout, en 1995, il était encore un jeune homme...

«C'est sûr qu'il y a des matchs tous les deux jours et c'est très intense. En 1995, on jouait presque tout le temps contre des rivaux de division. Il n'y avait pas de pause de quatre jours... Je crois que j'avais pris part à 60 matchs en tout. Mais là, à 40 ans, je pense que je vais me fier plus souvent à mon assistant!»