Les temps changent. À une époque toute proche, les journées limites des échanges dans la Ligue nationale de hockey se suivaient et se ressemblaient : il y avait le camp des vendeurs, qui liquidaient des vétérans, et celui des acheteurs, qui sacrifiaient des choix au repêchage et des espoirs pour obtenir ces vétérans en renfort. Ces échanges survenaient généralement à compter de la veille de la date limite des transactions, rarement plus tôt.

Cet hiver par contre, le marché des échanges est sens dessus dessous. Plusieurs transactions majeures ont été effectuées à plus de 10 jours de la date limite, lundi à 15 h. Et elles impliquent de nombreux jeunes joueurs de premier plan.

Le défenseur Erik Johnson, premier choix au total de la LNH en 2006, est passé à l'Avalanche du Colorado en retour de Chris Stewart, 23 ans, 64 points l'an dernier, et Kevin Shattenkirk. Les trois sont des choix de première ronde.

Les Stars de Dallas ont donné leur jeune attaquant de puissance James Neal, 23 ans, 27 buts l'an dernier, et leur choix de première ronde Matt Niskanen pour obtenir le défenseur offensif des Penguins de Pittsburgh Alex Goligoski, 25 ans.

Mark Stuart et Blake Wheeler, deux choix de première ronde, sont passés des Bruins de Boston aux Thrashers d'Atlanta contre Rich Peverley et le défenseur Boris Valabik, un choix de première ronde.

Joint hier au Colorado par La Presse, le directeur général de l'Avalanche, Greg Sherman, affirme que l'échange qui a envoyé Tomas Kaberle à Boston a peut-être eu un effet domino parce qu'il a forcé des clubs à passer au plan B, mais qu'il n'a pas précipité le sien.

« Nous avions un besoin à combler en défense et cet échange est le fruit d'une longue réflexion de notre part. Ce n'est pas une réaction à l'échange de Kaberle. Cette transaction n'est pas survenue du jour au lendemain. Les Blues n'allaient pas échanger Erik Johnson pour le simple plaisir de le faire. Il s'agissait de trouver le bon partenaire et de mettre les morceaux en place pour satisfaire les deux parties. Heureusement, nous avions de la flexibilité financière au sein de nos masses salariales respectives. »

Dix jours après le départ de Johnson pour St. Louis, cette transaction fait encore jaser aux quatre coins de la LNH. Plusieurs observateurs estiment que Denver a trop donné. Le père du centre de l'Avalanche Paul Statsny, Peter, entre autres, a accusé Sherman d'avoir détruit le club.

« Tout notre personnel a été mis à contribution, répond Sherman. Nous avons acquis un jeune défenseur de 22 ans qui constituera le coeur de notre défensive pour de nombreuses années. N'oublions pas non plus que nous avons obtenu un choix de première ronde. S'il s'agit d'un choix parmi les 10 premiers en 2011, les Blues auront le loisir de le garder et de nous offrir celui de 2012. »

Un dirigeant d'une équipe de la LNH interrogé hier estime que la tendance observée depuis quelques semaines le surprend plus ou moins.

« Les jeunes joueurs sont plus faciles à échanger parce qu'ils coûtent moins cher et ne détiennent pas de clause de non-échange, dit-il. C'est la solution pour ceux qui cherchent à combler un vide et qui sont coincés par le plafond. Il y a aussi les clubs qui souffrent financièrement à l'heure actuelle - une donnée qu'on sous-estime - et qui peuvent contribuer à bouleverser le marché. »

Est-ce une façon de faire qui deviendra coutume ? « C'est difficile à prédire, répond notre interlocuteur. Si les échanges qui viennent d'être effectués ne font pas mal paraître l'un des clubs impliqués, on pourrait en voir plus. Sinon, la mode pourrait s'estomper vite parce qu'un DG ne veut jamais mal paraître. Par contre, aurons-nous le choix avec les clauses de non-échange qui se multiplient ? Kaberle n'a sûrement pas donné une liste de 29 clubs. Il n'y a pas moyen de faire de la surenchère quand il n'y a qu'un acheteur... »

Blues et Penguins sortent gagnants

Le dirigeant en question favorise les Blues et les Penguins dans ces deux échanges majeurs. « Je le dis cependant sous toute réserve parce que j'analyse ces transactions de l'extérieur. On ne connaît pas la vision des autres DG, sur quels autres coups ils travaillent et leur évaluation des joueurs dont ils se départissent. Greg Sherman connaît Chris Stewart et Kevin Shattenkirk mieux que quiconque. Dans le cas des Penguins par contre, ils avaient tellement besoin d'ailiers qui peuvent marquer des buts, et il y en a tellement peu sur le marché... ils ont échangé leur cinquième défenseur pour quelqu'un qui va jouer sur le premier trio. »

Bouger plus tôt sans attendre la date limite constitue aussi une décision pleine de bon sens, poursuit notre homme. « C'est sans doute une première et franchement, je suis surpris que ça ne soit pas survenu plusieurs années plus tôt. Ça permet d'améliorer un club plus rapidement et ça donne le temps de bâtir une chimie. Au pire, il reste du temps pour apporter les ajustements nécessaires si ça ne fonctionne pas. Je ne sais pas ce qui a provoqué le phénomène cette année. Les DG se sont probablement entendus plus vite sur la valeur des morceaux. Quand il y a un premier échange, ça donne le ton. Ça fixe le marché et après, les directeurs généraux craignent moins de mal paraître et ils sont plus en confiance. »

Reste-t-il encore des joueurs à échanger d'ici lundi ? Greg Sherman croit que oui.

« Plusieurs clubs ont encore des lacunes à combler et il devrait y avoir plusieurs annonces d'échanges dans les 48 prochaines heures, même si plusieurs ont déjà été effectués. »

À Ottawa, la vente-débarras pourrait se poursuivre avec les départs de Chris Neil et de Chris Phillips, à moins que celui-ci n'accepte un nouveau contrat avec les Sénateurs. Le dossier de Brad Richards demeure nébuleux puisqu'il est toujours incommodé par une commotion cérébrale. Il y a aussi les dossiers de Jason Arnott au New Jersey, du gardien Tomas Vokoun en Floride et d'Ales Hemsky et de Dustin Penner à Edmonton, quoique le DG des Oilers Steve Tambellini ait calmé les rumeurs jeudi.

Et il y aura aussi sans doute quelques surprises. À suivre.