À moins d'une surprise, Donald Fehr deviendra le prochain directeur exécutif de l'Association des joueurs de la LNH. Portrait d'un homme à la fois dur et exigeant, qui n'a jamais laissé personne indifférent.

Par ici, le nom de Donald Fehr évoque un très mauvais souvenir. Après tout, c'est son visage qu'on voyait un peu partout à l'été 1994, quand les Expos semblaient se diriger tout droit vers une première Série mondiale. Mais il n'y a jamais eu de Série mondiale cette année-là. Plutôt une grève des joueurs qui a forcé l'annulation du reste de la saison.

Au tribunal de l'opinion publique, on a rapidement trouvé un coupable pour expliquer le gâchis de 1994: Donald Fehr.

Fehr, 62 ans, sera toujours associé à cette grève du baseball majeur. Comme il demeure, d'une certaine façon, associé au récent scandale des stéroïdes, pour son entêtement à vouloir amener la question des tests de dépistage sur le terrain glissant des libertés civiles.

En 26 ans de carrière comme directeur exécutif de l'Association des joueurs du baseball majeur, Don Fehr, c'est clair, ne s'est pas fait que des amis.

Mais l'homme a aussi réussi à obtenir le respect des joueurs de baseball. Sous sa gouverne, ceux-ci ont réalisé des gains importants. Quand Fehr est arrivé en poste, en décembre 1983, le salaire moyen au baseball était de 289 000$ par saison. En 2009, quand Fehr a quitté, ce salaire moyen était de 3 240 206$ par an. L'impact de Don Fehr sur les carrières au baseball est énorme. Voilà pourquoi ce sont les joueurs de hockey qui se tournent vers lui aujourd'hui.

À moins d'une surprise, c'est donc lui qui deviendra le prochain patron des joueurs de la Ligue nationale de hockey, une nouvelle qui devrait être confirmée d'ici à la fin du mois. Les patineurs de la LNH, qui se cherchent un leader depuis le départ précipité de Paul Kelly il y a un an, voient en Fehr un véritable sauveur.

«Il est un homme qui a beaucoup à nous apprendre, estime le défenseur Josh Gorges, le représentant syndical chez les joueurs du Canadien. On sait déjà qu'il ne va pas faire les choses à moitié. C'est très certainement un pas dans la bonne direction pour nous.»

L'attaquant David Clarkson, représentant syndical des Devils du New Jersey, croit lui aussi que Donald Fehr est le leader idéal pour ses collègues et lui. «Je suis un fan de ce gars-là. Regardez un peu tout ce qu'il a accompli dans sa carrière... Quand il parle, tout le monde écoute.»

Un défi de taille

Fehr a relevé plusieurs défis au cours de sa longue carrière. Celui-ci sera tout aussi colossal: remettre un peu d'ordre dans la cabane de l'Association des joueurs du hockey, là où les chicanes internes et les déchirements font partie d'un quotidien difficile depuis trop longtemps.

Marvin Miller, le légendaire patron des joueurs du baseball majeur de 1966 à 1982, ne comprend pas pourquoi son ancien protégé a choisi de se lancer dans pareille aventure.

«Il est à la retraite, tient à rappeler M. Miller, aujourd'hui âgé de 93 ans. Quand il m'a parlé de cette idée au départ, je lui ai dit que c'était bien de donner un coup de main aux joueurs de hockey. Quand il m'a ensuite dit qu'il songeait à se lancer là-dedans à temps plein, là, je lui ai répondu qu'il était fou. À cause de l'historique de l'Association des joueurs de la LNH. C'est un syndicat qui a reculé au lieu d'avancer, un syndicat qui était divisé.»

En même temps, M. Miller comprend très bien pourquoi les joueurs de hockey ont choisi de courtiser son bon ami. «Il est, et de loin, le meilleur candidat qu'ils peuvent trouver pour ce poste. S'il est élu, il sera le meilleur patron que les joueurs de cette ligue aient jamais connu.»

Steve Rogers, ex-lanceur des Expos aujourd'hui assistant au directeur exécutif de l'Association des joueurs du baseball, croit que les hockeyeurs vont être mieux armés pour aller au combat avec Donald Fehr comme leader.

«Je peux vous dire que s'il est élu, Don va s'assurer de bien communiquer avec tout son monde, d'expliquer Rogers. S'il y a une chose qu'il a retenue de Marvin Miller, c'est l'importance accordée à l'éducation des joueurs dans les dossiers importants. Son rôle, c'est d'être un mentor, un professeur pour qu'ensuite les joueurs prennent les bonnes décisions. Et c'est un rôle qu'il a appris à maîtriser tôt dans sa carrière.»

Tom Reich, un agent de joueurs qui a travaillé autant avec les vedettes du baseball qu'avec les stars du hockey, estime que Fehr est capable de remettre l'Association des joueurs de la LNH sur les rails du succès.

«Les joueurs de hockey ont été écrasés lors de la dernière convention collective, estime-t-il. L'ambiance au sein de l'Association des joueurs était un désastre, je n'avais jamais rien vu de tel. Mais ces gars-là ne voudront pas être écrasés de nouveau la prochaine fois. Aller à la tête de ce syndicat, ce n'est pas quelque chose que Don doit faire; c'est quelque chose qu'il veut faire. Il est un expert dans le domaine, il est intelligent, et il n'est pas là pour se faire une réputation. Il ne sera pas intimidé par les propriétaires ou par les médias.»

Tous ceux qui connaissent bien Donald Fehr s'accordent sur une chose: s'il y a un homme qui peut relancer l'Association des joueurs de la LNH, c'est lui. Mais les autres? Ceux qui disent déjà que Fehr va foutre le bordel dans la LNH comme il l'a fait au baseball majeur?

Foutaises, selon l'agent Tom Reich. «C'est ridicule de penser qu'il est responsable de la grève de 1994 au baseball. L'annulation de la Série mondiale, c'est la dernière chose que les joueurs voulaient.»

Marvin Miller est du même avis. «C'est absurde de croire que Don est le méchant. Quand il est devenu le patron des joueurs au baseball majeur, il s'est retrouvé confronté à la collusion des propriétaires, qui ne voulaient pas embaucher les joueurs autonomes. Une bonne partie des médias était dans le coin des propriétaires, à une époque où la collusion était si évidente. C'est le genre de problèmes auxquels il a dû faire face dès le départ. En 1994, il s'est retrouvé contre des propriétaires qui ne voulaient plus négocier.»

Cette fois, Donald Fehr se retrouve devant un syndicat qu'il doit unifier. Le défi est peut-être un peu différent, mais il est tout aussi grand.