La formation des jeunes joueurs de hockey est plus contesté que jamais au Québec. La mince récolte anticipée au prochain repêchage de la LNH confirme-t-elle les problèmes? Et si oui, d'où viennent-ils?

Pour la première fois dans l'histoire du repêchage dans la LNH, il pourrait n'y avoir aucun Québécois choisi parmi les 50 premiers joueurs, le week-end prochain à Los Angeles.

 

«Je ne le souhaite pas, mais ça se peut très bien que ça se produise», soupire Claude Carrier, dépisteur pour le compte des Devils du New Jersey.

Les défenseurs Jérôme Gauthier-Leduc (Rouyn-Noranda) et Danny Biega (Harvard), ou alors le gardien Louis Domingue (Québec) ont certes une chance de sauver l'honneur.

Mais il est tout aussi envisageable que le Québec fasse plus piètre figure encore qu'il ne l'avait fait en 2000, lorsque le gardien Mathieu Chouinard avait été repêché au 45e échelon.

Est-ce seulement un cru décevant ou le symptôme d'un malaise plus profond?

«Une seule année ne peut être l'illustration du problème, car il peut tout simplement y avoir de mauvaises années», souligne un agent ayant requis l'anonymat.

«C'est plutôt la tendance qui m'inquiète. Année après année, le Québec ne produit pas beaucoup de joueurs de haut niveau.»

Depuis la cuvée de 1998, qui a donné au Québec son principal bassin de talent (Lecavalier, Tanguay, Gagné, Ribeiro, Beauchemin), les joueurs de premier plan potentiels arrivent au compte-gouttes.

Pourquoi?

Les principaux suspects

Dilution du talent, manque d'expertise des entraîneurs, infrastructures déficientes, contraintes budgétaires... Le diagnostic est à peu près clair.

C'est le médicament que l'on n'a pas trouvé!

Établissons d'abord que le développement des joueurs au Québec est partagé entre deux responsabilités. D'un côté, il y a la fédération Hockey Québec dont le mandat est d'organiser du hockey pour des jeunes qui ne font pas partie de l'élite pour 94% d'entre eux.

Hockey Québec, malgré une refonte en profondeur de sa structure, continue d'essuyer de sévères critiques.

«Les gens nous appellent quand le Québec n'a pas de bon repêchage, mais nous n'avons reçu aucun appel l'année dernière», rétorque Sylvain Lalonde, directeur général de HQ.

De l'autre côté, vous avez un circuit junior majeur (la LHJMQ) qui cueille les fruits mûrs du Midget AAA, mais dont la mission première n'est pas tant de former que d'exploiter des entreprises rentables.

La LHJMQ a perdu de son lustre et reste pertinente à cause des joueurs qu'elle attire de l'extérieur de la province.

«Il manque tellement de profondeur dans le junior majeur qu'une équipe qui a deux bons trios et trois défenseurs peut espérer se rendre à la Coupe Memorial», ironise Marc Chamard, recruteur pour le Wild du Minnesota.

Deux solitudes sur la glace

Georges Larivière, une sommité en matière de hockey au Québec, ne nie pas les problèmes de développement des jeunes Québécois. Il est entre autres très critique de la façon dont la LHJMQ mène sa barque.

Mais selon ce membre du Temple de la renommée de la Fédération québécoise de hockey sur glace, un facteur extérieur nuit à l'éclosion des Québécois dans la LNH.

«Dans les populations nombreuses, comme le Québec et l'Ontario, le talent dans tous les domaines est réparti à peu près également. Ce qui fait la différence, c'est la façon dont il est développé et mis en valeur.»

Or, le Québec peine à promouvoir ses jeunes. Parce qu'il est victime, prétend M. Larivière, d'un handicap culturel par rapport au reste du Canada.

«Les joueurs québécois traînent la renommée de produire des joueurs de finesse qui sont plus petits - ce qui est faux, comme l'a démontré le livre de Bob Sirois.

«Mais à travers la LNH, à talent égal, on va prendre l'anglophone. Et je le dis sans même être séparatiste. Dans le cas des meilleurs joueurs, le problème ne se pose pas: les dirigeants de la LNH veulent gagner et vont prendre le joueur de concession, peu importe d'où il vient.

«Mais pour les joueurs de soutien, il y a un biais favorable aux anglophones. Car le hockey est un milieu très conservateur qui est plein de préjugés et où l'on se sent inconfortable avec le risque. Les décideurs préfèrent choisir des joueurs dont les habitudes de jeu leur sont plus familières.

«Ça montre que l'on n'a pas assez de contacts au sein des équipes professionnelles.»

La crème remonte, mais...

Au cours des 10 derniers repêchages, le Québec a fourni 19 choix de première ronde, dont seulement sept ont été sélectionnés parmi les 15 premiers - c'est-à-dire dans le groupe d'où sortent les véritables joueurs d'impact, selon les recruteurs.

Le repêchage de la semaine prochaine sera le quatrième consécutif au cours duquel aucun Québécois n'est réclamé parmi les 15 premiers.

Pendant ce temps, la crème remonte aussi un peu moins dans les niveaux inférieurs.

L'excellent Sean Couturier, des Voltigeurs de Drummondville, est devenu cette saison le premier champion pointeur de la LHJMQ à ne pas atteindre le plateau des 100 points (96).

Et dans la ligue midget AAA, qui réunit la majorité des meilleurs joueurs de 16 ans, le calibre de jeu a indéniablement baissé.

«Les joueurs de premier plan sont plus durs à voir dans le midget AAA, mais en moyenne le calibre est plus fort qu'avant», assure néanmoins Yves Archambault, directeur technique de Hockey Québec. Mais s'il faut chercher ces fameux joueurs de premier plan, n'est-ce pas là l'essence du problème?